CHRONIQUE

L’histoire du mari cocu : quand (tout) dire devient un risque

(N°12) Il était une fois un couple qui vivait dans une pauvreté si extrême au point que le mari s’ingénia laborieusement dans la débrouille pour survivre. Lorsque le mari épousa sa femme, la pauvreté qui les accabla plus tard n’y s’était pas installée de droit. La vie coulait donc dans la joie et la gaité.

Au fil du temps, le couple fut surpris par la disette qui contraignit le mari sans grands moyens à s’inventer un métier de pêcheur. Il descendait de nuit, au milieu de l’orage, au fleuve avec son vieux filet raccommodé pêcher le poisson qu’il ramenait à la maison auprès de sa femme. Ils vendaient la prise, et avec l’argent gagné, ils payaient de la nourriture (l’unique du jour). Le repas était mangé très pressé. Puis, ils restaient tous pensifs à l’idée de trouver d’autres moyens afin de complétement joindre les multiples bouts.

Un jour, alors qu’il se rendit au fleuve, il fut surpris par une pluie orageuse. Alors qu’il pleuvait avec averses, une voix se fit entendre lui parlant :

  • Qu’y-a-t-il, mon cher ? Chaque jour qui passe, je t’aperçois dans ces eaux. Pourquoi viens-tu pêcher dans ces eaux en ces heures de pluie immense ?
  • Oui, comme vous l’avez bien remarqué. Mon monde s’est effondré. Je viens pêcher ici tout le temps, et avec du poisson capturé, je le vends pour trouver de quoi payer de la nourriture pour ma famille.
  • Désormais, tu ne viendras plus jamais pêcher dans ce fleuve à moins que tu ne le veuilles, car ton foyer ne souffrira plus jamais d’aucune faim. Seulement, je vais te recommander une chose, et tu feras bien de suivre ces consignes. Tu ne diras rien à personne ni à ta femme de peur de tout perdre. Tiens donc cette calebasse. Tu reviens au milieu de la nuit.
  • Ma femme ne saura absolument rien, ne serait-ce que seulement vu ma condition ; je le promets.

Le mari s’en fut donc à la maison avec la calebasse et la promesse de ne pas divulguer le secret à sa femme ni à quiconque d’autre. Il était si gai et si agité, chantonnant par-ci par-là, si bien que sa femme commença à avoir des soupçons. Elle pensa, puis alla le trouver.

  • Q’y –a-t-il que tu sois si gai et agité aujourd’hui ?
  • Il arrive que l’on soit content, n’est-ce pas ? Alors, il n’y a rien.

Mais la femme ne le lâcha pas. Elle alla s’allonger sur le lit s’exhibant ostentatoirement.

  • Si tu ne me dis pas ce qui se passe, tu ne verras ni ne toucheras aujourd’hui cette cuisse que tu vois…

Le mari, très éprouvé fit d’incessants va-et-vient dans la chambre sans but précis. Il revint sur ses pas et alla la trouver au lit.

  • Toi, Siidu ! Toi-là. Si je te le dis, tu iras dire cette nouvelle à tout vent, essaya-t-il de résister entre les petits rires compromettants.
  • Comment oserais-je faire pareille chose. En plus, n’est-ce pas c’est pour nous deux ?

Et le mari, à deux doigts de la réussite, lui dit tout sans réserve. Il ne put tenir sa langue en bride, parce que, entre les mariés, rien ne peut être caché à l’un ni à l’autre, pensa-t-il. La nuit tomba. Le mari, allongé dans les bras de sa femme qui le berçait, commença à dormir à poing fermé. Lorsqu’il ne se rendit plus compte, la femme se leva puis alla trouver ses parents vivant non loin de leur concession à qui elle rapporta tout. Son frère fut  désigné, s’en fut au fleuve à l’heure donnée, avec les consignes de sa sœur, la femme du mari maintenant assoupi.  Il y arriva comme indiqué. Puis la voix se fit entendre :

  • Es-tu celui qui était venu, à qui j’ai demandé de revenir ?
  • Oui, je le suis.
  • Voilà donc ! Quand tu retourneras chez toi à la maison, ne jette pas un regard en arrière. Continue de frapper la calebasse.

C’est ce que fit le frère de la femme. Au fur et à mesure qu’il tapait sur la calebasse, une multitude de vaches sortait du buisson. Il en était ainsi ; il eut un immense troupeau de vaches qu’il ramena dans sa maison.

Le mari se réveilla, ramassa ses forces pour se rendre précipitamment au fleuve. La même voix lui dit vertement:

  • Je te l’avais si bien dit, de ne rien dire à personne. Maintenant, tu as tout perdu ; je ne peux rien faire pour toi. Rentre à la maison.

De retour à la maison, sa femme lui annonça le divorce bien pensé, qu’elle voulait le quitter pour aller rejoindre ses parents qui disposait désormais de cet immense troupeau de vaches ramené par son frère receleur.

Voilà pourquoi l’on se demande sans cesse s’il est toujours bon et utile de (tout) dire à sa femme.

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