CHRONIQUE

Le Lièvre et le Hérisson : bien fait, tel est pris qui croyait prendre

Les anciens enseignent que l’on est souvent la juste victime de ses propres combines. Cette sagesse pourtant connue de tous, est du dégout de plus d’un, comme ce fut le cas ce jour où le fourbe Lièvre et le Hérisson, l’inhospitalier hôte, partirent pour un voyage dans un village lointain.

Après plusieurs heures de marche, ils arrivèrent à la hauteur du village. S’étant arrêtés pour une mise au point sur la bonne conduite à tenir chez autrui, Le Lièvre suggéra alors au Hérisson de porter chacun un nom avant d’entrer au village, une proposition que ce dernier accepta sans concession.

Avant que le Hérisson ne se prononçât sur la proposition dont il n’avait pas jusque-là compris les motifs, le Lièvre lui dit : « Pour moi, le nom sera bidaaje[1] ».

Arrivés dans le village, ils firent les salutations de routine et reçurent un accueil princier. Ils furent logés dans une cabane où les villageois défilèrent pour demander les dernières nouvelles de leur village. Le soleil dépassant paresseusement le zénith, on leur servit le repas de midi avec tout ce qu’un étranger mérite.

Lorsqu’on leur présenta le plat du repas assaisonné, le Lièvre, demanda sournoisement : « Pour qui a-t-on préparé ce plat ? ».

  • C’est pour vous, bidaaje.

Il s’enfila lui seul tout repas laissant son compagnon de voyage saliver, baver et crever de faim. La rage et la colère hantèrent le Hérisson qui s’était installé sur la natte du côté oblique du Lièvre, le lorgnant du coin de l’œil avec une haine noire à chaque fois que ce dernier se gavait une bouffée de la nourriture qui descendait paisiblement dans ses entrailles.

Le ventre bourré, le Lièvre s’installa paisiblement sans être gêné de voir mourir de faim son compagnon qui ne répondait plus à ses multiples questions importunes. Peu à peu, la voix du Lièvre se fondit dans un sommeil. Il finit par dormir.

Le Hérisson qui n’avait pas digéré le geste on ne peut plus condescendant du sieur Lièvre, décida alors de lui rendre la monnaie de sa pièce. Il attendit son ami se rompre dans un sommeil d’un ivrogne pour se glisser furtivement de la cabane, et prit la direction des rizières. Il alla couper, ronger, et fauciller tout le riz des villageois qui s’étaient décidé à solder le compte de cet étranger ingrat.

Le Hérisson trouva son compagnon toujours en train de ronfler comme un mourant. Il lui colla de la boue sur les pattes après avoir nettoyé les siennes. Il se plongea lui aussi dans un semblant de sommeil de plomb.

Les villageois, enragés, soupçonnèrent alors les étrangers jusque-là peu encombrants. Ils se dirigèrent vers la cabane où se trouvèrent leurs hôtes. Ils leur demandèrent, sous la menace, ce qui aurait pu motiver leur geste. Toujours égal à lui-même, le Lièvre se leva promptement.

  • C’est le Hérisson. C’est lui qui est connu pour ces cabrioles de mangeur de riz. C’est réellement lui.

De son côté, le Hérisson, feignant de dormir dit :

  • Je ne comprends vraiment pas ce qu’il dit. Il sait bien que nous deux étions couchés ici en train de dormir. Comment pourrai-je le faire. Quand ? D’ailleurs regarder mes pieds et tout mon corps s’il y a une tache d’argile. Nullement ! Allez vérifier chez lui.

Après vérification, l’on retrouva les pattes du Lièvre collées d’argile. Il fut sans parcimonie jugé coupable, et il en paya ainsi amèrement le tribut.  Ainsi, rusé, le Lièvre fut-il victime de sa propre ruse.


[1] Etrangers, en balant.

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