CHRONIQUE

Tulug et la femme du lévirat : en mémoire d’une histoire d’amour

(N°18) Lorsque le mâle Calao, Tulug, hérita de la femme de son frère qu’il devait récupérer dans son foyer, il était loin de croire que ce nouveau lien de mariage pouvait lui créer des ennuis au point de vouloir braver l’impossible. Pourtant, au début du lévirat, tout semblait briller pour les deux amants devant désormais habiter sous le même toit, après le décès de Glindji[1], le mari de la femelle Calao qui, de son vivant, était un passionné pêcheur, très habile.

Les jours se succédèrent sans pourtant s’apparenter. La femelle Calao, malgré les efforts de son male qui remuait ciel et terre, et fouillait dans tous les coins pour lui rendre la vie heureuse, afin de s’habituer à la nouvelle vie, se rendait compte au fil du temps que ses caprices étaient loin d’être satisfaits, parce que nostalgique de son ancien foyer.

« Tulug gsele ga jooge »[2], disait-elle sans cesse à son nouveau mari qui apparemment ne voulait rien comprendre de cette injonction de descendre dans l’eau, pêcher, et lui ramener du poisson dont elle était déjà friande. Reconnaissant ses limites et ses maladresses, le male Calao, pour ruminer son embarras et son gène, disait : « gisúuma, gii sum »[3].

Pourtant, la femelle ne cessait de le lui rappeler et sombrait dans la détresse, pleurant son défunt mari, se lamentant dans le seul but de pousser son mari à agir. Finalement, elle décida de faire la grève de la faim. Cela désobligea le mari, la plupart du temps très pensif dans une vaine tentative de trouver un dénouement à l’amiable.

Que faire ! Congédier la femme pour se libérer, ou bien se décider d’aller à la pêche. Mais ni l’une ni l’autre solution n’était de son goût, car s’il ne pouvait penser à se séparer de la femme qu’il aimait tant, vouloir la garder signifiait qu’il devait apprendre à pêcher du poisson comme le faisait son défunt mari Glindji, une promesse qu’il ne pouvait pourtant pas honorer.

Un jour, comme le devoir le lui demandait, il prit la résolution de descendre au fleuve. Il survola tout au-dessus, aperçût un gros poisson au ras de l’eau, y plongea en toute vitesse. Il eut sa prise, mais il ne put remonter puisqu’il n’avait jamais de son vivant connu l’eau ni su nager. Trempé et sur le point de se noyer, le mâle Calao se débattait de toutes ses forces pour se détacher de cette eau qui l’emprisonnait. Il n’aura la vie sauve que grâce à ses concitoyens venus le tirer.

Voilà pourquoi lorsqu’on les attend de loin, c’est toujours en mémoire de cette histoire d’amour :

  • Tulug gsele ga jooge (Tulug, il y a du poisson dans le fleuve).
  •  Gisúuma, gii sum (Le lévirat, ce n’est pas facile ).

[1] Espèce d’oiseau.

[2] « Tulug, il y a du poisson dans le fleuve ». Allusion faite aux sifflements de la femelle calao.

[3] « Le lévirat, ce n’est pas facile ». Allusion faite aux grognements du mâle calao.

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