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EDITO – Témento : Je conteste le choix du Président !

Par Bacary Domingo MANE

Les populations du balantacounda, du brassou et du fouladou, du département de Goudomp,  applaudissent des deux mains l’annonce de la construction du pont de Témento, faite par le Chef de l’Etat, Macky Sall, à l’occasion du Conseil présidentiel, tenu à Sédhiou, le mardi 28 février 2023. En attendant la pose de la première pierre et l’effectivité des travaux, les habitants de ce vaste département expriment leur gratitude à l’égard du Président de la République, qui va définitivement désenclaver cette partie du Sénégal, matérialisant du coup le principe de service public appelé : continuité territoriale.

Combien de générations d’élèves du balantacouda, fouladou et du brassou ont traversé le fleuve, en passant par Diattacounda, pour se rendre à Bambaly ? Combien de malades sont morts du fait de l’enclavement ? Combien de fruits sont pourris faute de pistes de production ? etc. Ajouté à ce calvaire, pour les villages de l’intérieur et ceux frontaliers avec la Guinée Bissau et  la Gambie, l’absence d’électrification, d’eau potable, parfois de structures étatiques. Les habitants de ces villages frontaliers se sentent plus Gambiens ou Bissau-Guinéens que Sénégalais. Ils utilisent le réseau téléphonique de ces pays, s’y ravitaillent et envoient leurs enfants dans leurs écoles.

Le pont de Témento, certes, est une réponse pertinente à cette question de l’enclavement du département de Goudomp, mais il n’est ni plus ni moins que la face visible de l’Iceberg. Le fait de lui trouver un nom pour permettre aux générations futures de s’inspirer des hauts faits d’armes de l’illustre élu, n’est pas, non plus, une mauvaise chose. Puisque la gestion d’un Etat fait aussi appel à la manipulation des symboles. Mais le choix de ces «figures emblématiques» doit se faire sur des bases objectives, en cohérence avec les réalités du terroir.  L’avis des populations doit compter, puisque c’est en leur nom que le pays et les territoires sont gouvernés.

Non, le pont de Témento ne portera pas le nom de Balla Moussa Daffé !

Le département de Goudomp ne manque pas de dignes filles et fils pour donner leur nom à ce pont de Témento. Nous n’acceptons pas le choix porté sur le Pr Balla Moussa Daffé et nous nous battrons pour que ce pont ne porte pas son nom. Plusieurs raisons peuvent être évoquées pour justifier notre position :

Combien de filles et de fils se sont battus pour le développement et le rayonnement de ce département ? Certaines de ces figures ont rejoint l’au-delà, parfois dans un anonymat  déconcertant. Pourtant, leur engagement n’a souffert d’aucun calcul opportuniste. Le département a une dette envers ces personnalités. Ce n’est dont pas trop demander que de donner le nom de l’une d’entre elles à ce pont de Témento.

Où est-il écrit que seuls les politiciens doivent laisser leur nom à la postérité ? Dans l’écrasante majorité, ce sont eux qui sont mis en avant, au nom d’une logique purement partisane. A titre d’exemple, le nouveau lycée de Sédhiou porte le nom du Pr Balla Moussa Daffé, un autre porte le nom de Ibou Diallo, l’hôpital de Sédhiou est estampillé Amadou Tidiane Ba, sans oublier Adama Diallo etc. Le même phénomène est observé dans les autres localités du pays. Pourtant des instituteurs de renom ont mis leur savoir au service du développement du pays et de leur terroir; des  combattants ont défendu, parfois au prix de leur vie, leur pays. D’autres exemples peuvent être cités dans les domaines de l’agriculture, du sport etc.

Enfin, pourquoi ce sont les mêmes qui doivent être servis ? Un lycée porte déjà le nom de Balla Moussa Daffé. Nous en sommes fiers, et il le mérite, au nom du service rendu au pays et à la région de Sédhiou. Mais d’autres dignes fils de la région  méritent, à leur tour, d’être honorés. 

Le pont de Témento pourrait ainsi porter le nom de l’Adjudant Toumani Mané qui fut, dans les années 1930-1940, chef de la province du Balantacouda-Brassou, après avoir fait la guerre 14-18 comme tirailleur sénégalais et où il gagna son galon d’Adjudant. Si c’est pour le symbole,  M. le Président, le département ne peut trouver mieux, puisque l’Adjudant Mané était un trait d’union entre le Balantacouda et le Brassou.

Bacary Domingo MAne (Mondeafrik.com)

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