EDITO

Le Joola, les raisons d’une fuite en avant

Comment si le «hasard» jouait toujours un «mauvais» tour, depuis 2012, au Président Macky Sall dont l’agenda condamne à «manquer» systématiquement le rendez-vous de l’anniversaire du naufrage du bateau Le Joola qui a sombré le 26 septembre 2002. Il est aux Etats-Unis depuis quelques temps  pour prendre part aux travaux de la 742eSession de l’Assemblée générale des Nations-Unies. Un «beau» prétexte pour ne pas assister à la journée de commémoration de la plus grande catastrophe maritime civile ? Pourtant, son Excellence a prononcé, depuis le lundi 23 septembre, son discours à la tribune des Nations-Unies, font remarquer certains observateurs. Comme pour dire qu’il a tout le temps de revenir au pays partager cette douleur avec les familles des victimes. Ces dernières, une fois de plus, n’auront pas cette chance, même si la presse a annoncé sa présence à l’inauguration de la mosquée Massalikoul Jinane, demain vendredi. 

Le Président Sall semble suivre sa logique «d’enterrement» du bateau «Le Joola». Si l’on en juge par les instructions données en 2012, à l’occasion du dixième anniversaire de son naufrage,  au chef du gouvernement d’alors (Abdoul Mbaye), lors de la réunion de Conseil des ministres, «de tout mettre en œuvre pour instituer, tous les ans, l’observation d’une minute de silence et une cérémonie de dépôt de gerbes aux monuments aux morts et à la place du Souvenir».

Nos interrogations ! 

Le Joola fait-il peur et pourquoi ? Les péripéties d’une nuit agitée, semant les graines d’une mort lente et douloureuse, ont-elles fait remonter à la surface des souvenirs synonymes de mauvaise conscience ? Les récits apocalyptiques qui s’échappent des «écailles» de l’épave d’un bateau «oublié » dans les profondeurs abyssales d’une mer transformée en sépulture, peuvent-ils ne pas résonner dans une mémoire que l’on veut désespérément vierge ? Pourquoi ce qui s’est passé le 26 septembre 2002 est-il advenu ?  Et si l’épave «emprisonnait» dans son creux, beaucoup de secrets compromettants, mettant en cause la mauvaise gestion du dossier ? Entre le travail de deuil des familles des victimes qui aurait pu être facilité par le renflouement du bateau et la volonté affichée de creuser la tombe de l’oubli, le choix est-il possible ? 

Pour permettre aux familles «d’enterrer» définitivement leurs morts, le dossier judiciaire du Joola doit être réouvert, dans le but de désigner les vrais responsables de cette catastrophe.  La manifestation de la vérité va non seulement permettre le repos de l’âme des victimes, mais aussi prévenir d’éventuelles défaillances dans la gestion des dossiers publics. 

Le Joola parle à notre conscience et rappelle le devoir de mémoire  envers ceux et celles qui ont traversé la rive à cause, peut-être, d’une défaillance humaine.

Bacary Domingo MANE

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