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Le député du parti ou député du peuple: rôle et responsabilité

Par Diama Badiane, philosophe

Nous le rappelons: le rôle de l’Assemblée nationale, en tant que pouvoir législatif, est de :

– Voter les lois générales, toujours articulées au bien commun. Et dans une démocratie, il est nécessaire de placer la loi au-dessus de tous. Sinon, elle perd son essence. La loi est ainsi l’âme du peuple pourvu qu’elle traduise la volonté générale. Et cette tâche appartient aux députés élus par le peuple et pour le peuple.

– Contrôler l’action du gouvernement en jouant le rôle de contrepouvoir à l’égard de l’Exécutif et du Judiciaire.

– Servir de frein à l’Exécutif qui peut, à cause de ses passions illimitées, dérouter la volonté du peuple. Les gouvernants n’ignorent pas la volonté du peuple, mais ils la trahissent expressément. C’est donc à l’Assemblée nationale de faire revenir l’Exécutif à la raison… Ainsi doit-elle rappeler à l’Exécutif ses engagements et arrêter ses prétentions au débordement. Une démocratie sans une Assemblée nationale autonome et responsable est  comme un bateau sans gouvernail..L’Assemblée est le cœur d’un État et le sort de cette dernière dépend de la qualité de ses membres. Voilà le rôle capital que doit jouer l’Assemblée nationale. Ce rôle n’est rien d’autre que d’écouter le peuple, comprendre son bien et œuvrer pour la réalisation de sa volonté. Chaque député porte sur ses épaules la noble tâche de représenter chaque particulier. La théorie de la représentation de Hobbes, chapitre6, du Léviathan, montre la dichotomie entre l’acteur et l’auteur. Le représentant du peuple doit être un acteur et le peuple l’auteur de ses actes. Ainsi, le député doit refléter la volonté du peuple, dès lors que le rôle de l’acteur est de traduire fidèlement la volonté de l’auteur. Ce que le député fait doit être conforme à ce que veut le peuple, l’auteur de la volonté générale. Pour Rousseau, la volonté générale désigne ce qui, chez le citoyen, lorsqu’il se départit de ses intérêts égoïstes et particuliers, mérite d’être garanti par la loi. Selon lui, «ce qui généralise la volonté est moins le nombre des voix que l’intérêt commun qui les unit » (du contrat social, chap. 4). Elle se caractérise par son caractère inaliénable, indivisible et général. La loi est, par là même, l’expression de la volonté générale et se définit par le fait qu’elle émane de tous, tout en visant le bien commun. La loi est ainsi, selon lui, la condition de la vie en société. Et si un chef ou un groupe dispose d’un mandat, c’est pour réaliser la volonté générale. Seulement, Rousseau, lui-même, avait reconnu les faiblesses de la démocratie et par conséquent, de la volonté générale que l’on confond toujours, soit par la volonté de tous, soit par l’arbitraire de la majorité. Par le caractère inaliénable de la loi, Rousseau voulait montrer que remettre à quelqu’un le pouvoir de décider du bien commun, en tant que représentant du peuple, c’est risquer que le bien commun ne devienne que le bien particulier. C’est pourquoi il est contre la démocratie représentative. Cela est vrai, car qui est représenté est déjà absent. Et celui qui est absent perd la voix au profit de son représentant qui, par défaut de justice naturelle, peut trahir. Voilà ce qui nous arrive.dans nos assemblées qui, par principe, doivent porter la voix du peuple. Le fait est qu’elles se transforment en des lieux de réunions de partis politiques où chaque député brandit et défend les intérêts d’un Président de la République ou d’un Président de parti. Cette situation, pense Rousseau, est une trahison de la volonté générale du peuple et par ricochet, brise le contrat social. Et dans une telle situation, la révolution devient un droit et une nécessité. Tout le problème est que le principe est bon, mais il doit être réalisé par des hommes à propos desquels Kant disait: «Dans un bois aussi courbe que celui dont est fait l’homme, on ne peut rien tailler de tout à fait droit».Le problème de Kant était de savoir où l’on peut trouver un homme juste pour la justice. Et son problème est devenu le nôtre dans la mesure où des députés sénégalais se battaient et s’injuriaient en pleine séance parlementaire, au lieu de proposer les solutions idoines pour le mieux être de leur mandant, c’est-à-dire le peuple. On peut, tant qu’on veut, réformer les institutions d’une République. On peut changer de Gouvernement, de députés, voter les lois les plus parfaites qui soient, cela ne servirait pas à grandchose, si au préalable on ne réforme pas les hommes. Le savoir, la force, l’intelligence et le pouvoir ne servent que s’ils sont entretenus par des esprits bien préparés, bien formés et bien disposés à les exécuter, les appliquer avec justice, honneur et dignité.Le problème est le suivant : nous Sénégalais, voulons une Assemblée forte et dévouée au peuple, mais nous avons des hommes chez qui le peuple est le dernier des soucis. Il nous manque juste les hommes qu’il faut dans cette institution. Mais où les trouver ?

Si le peuple vous confie ses torches, c’est pour éclairer la voie qui le mène à la félicité. Mais ce n’est pas pour lui brûler les doigts abusivement. Quelles que soient nos divergences, les Sénégalais ont, tant soit peu, quelque chose qui les unit. Nos ancêtres nous ont légué beaucoup de sagesse et de vertus.(Diom, ngor, sutura, yeurmeundé…). Ce patrimoine doit être préservé, quel que soit notre degré d’aliénation. Ceci, en vue de perpétuer sa.transmission de génération en génération, sans perdre le témoin qui mène à la sagesse, à l’unité pour un Sénégal meilleur et florissant.En d’autres termes, nous ne devons pas être les malheureux qui allons perdre l’aiguille de la transmission. De ce fait, préserver ce patrimoine est devenu un impératif catégorique sans lequel, la haine, la compétition, l’égoïsme et la mesquinerie nous consumeront.

Retenons cette leçon : si la nature humaine nous pousse à donner quelques fois des coups bas, des coups trop bas peuvent avoir des conséquences telles que celles d’un feu sur une botte de foin. Et quand cela arrivera, ce sera difficile de revenir en arrière. Il ne restera pour nous que la fumée et les cendres du regret.  La raison, notre lumière naturelle, nous sert à guider et à éclairer nos actions. Que ces dernières se fondent sur l’éthique et sur la morale comme l’avait évoqué le jugeKéba Mbaye.

Pour finir, vous qui aviez pris sur vous la lourde responsabilité de mener à bon port Sunugal (notre pirogue), ne prenez pas ceci comme une leçon parce que vous le savez sûrement mieux que nous, mais considérez ce texte comme un rappel.

Par Diama BADIANE

Philosophe, sociologue

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