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Corruption/Guinée: Beny Steinmetz écope de 5 ans de prison

L’homme d’affaires israélien Beny Steinmetz a été condamné à cinq ans de prison par un tribunal de Genève, dans un procès décrit comme la plus grande affaire de corruption jamais enregistrée dans le secteur minier.

Le procès a mis en lumière une lutte souvent sombre pour le contrôle des ressources naturelles de l’Afrique.

Steinmetz, un ancien magnat du diamant qui possède également la nationalité française, a été reconnu coupable de corruption d’agents publics en Guinée, afin de prendre le contrôle des gisements de minerai de fer du pays.

Le tribunal l’a également condamné à verser une indemnité de 50 millions de francs suisses (41 millions de livres sterling; 56 millions de dollars) à l’État de Genève.

« Il est clair d’après ce qui a été présenté … que les droits ont été obtenus par la corruption et que Steinmetz a coopéré avec d’autres », pour les obtenir, a déclaré la juge en chef Alexandra Banna à la Cour, selon l’agence de presse AFP.

Steinmetz, qui a toujours nié la corruption, dénoncé le verdict, le qualifiant de « grande injustice ». Il prévoit le contester et n’ira pas en prison en attendant l’appel, a déclaré son avocat.

On estime que les mines de Simandou, dans le sud-est de la Guinée, sont les gisements de minerai de fer inexploités les plus précieux au monde.

L’affaire remonte à 2006 lorsque, selon le parquet, l’homme d’affaires, travaillant pour une société appelée Beny Steinmetz Resources Group (BSGR), a versé des pots-de-vin pour que BSGR puisse acquérir des droits miniers à Simandou. Ceux-ci étaient à l’origine détenus par le géant minier Rio Tinto.

Le procès a eu lieu en Suisse car M. Steinmetz a vécu à Genève jusqu’en 2016 et y dirigeait des entreprises. Certains des pots-de-vin, selon le parquet, ont été versés par l’intermédiaire de banques suisses.

Témoins clés et d’éminents avocats

Steinmetz vit maintenant en Israël, mais s’est rendu à Genève pour comparaître en personne, engageant l’un des avocats les plus en vue de Genève, Marc Bonnant, pour le défendre.

Le tribunal a conclu que Steinmetz, 64 ans, et ses deux codéfendeurs avaient versé 8,5 millions de dollars (6,2 millions de livres sterling) en pots-de-vin à l’épouse du défunt président guinéen Lansana Conté, décédé en 2008. Ils ont été reconnus coupables d’avoir mis en place des stratagèmes pour masquer le lien entre BSGR et la quatrième épouse de Conté, Mamadie Touré. Elle devait comparaître elle-même au tribunal, mais ne s’est pas présentée. Elle vit maintenant aux États-Unis.

L’avocat de la défense, M. Bonnant, a déclaré au procès que Steinmetz n’avait jamais «payé un centime» à Mme Touré, et que de toute façon elle n’avait jamais été légalement mariée au président Conté et que, par conséquent, en vertu du droit suisse, elle ne pouvait pas être qualifiée d’agent public corrompu.

De plus, a déclaré M. Bonnant, certains des pots-de-vin présumés ont été versés après la mort du président Conté, ce qui n’avait aucun sens: « Comment soudoyer un fantôme? » a t-il demandé à la cour.

Seulement un ‘porte-parole’

Mais l’accusation a présenté des preuves qui, selon elle, prouvaient qu’il y avait une traînée de pots-de-vin et de corruption s’étendant de Genève, via le Liechtenstein, aux îles Vierges et vice-versa.

Un autre éminent avocat genevois, le procureur en chef Yves Bertossa, a marqué des points en interrogeant Beny Steinmetz. Puisqu’il était un fait que BSGR avait acquis les droits miniers pour Simandou, il a demandé, comment M. Steinmetz n’a-t-il pas été informé des transactions financières qui ont conduit à cette acquisition?

Yves Bertossa a fait valoir que les lois suisses limitant les poursuites des agents publics à 15 ans dans le passé ne s’appliquaient pas à cette affaire.

Beny Steinmetz, qui affichait un visage calme au tribunal, et parfois, parlant en français, a tâtonné sur ses réponses et a insisté sur le fait qu’il n’avait été qu’un «conseiller» ou un «porte-parole» de l’entreprise qui porte son nom.

Lorsqu’il a été confronté aux détails de la corruption présumée, ainsi qu’aux transcriptions des conversations, sa réponse fréquente a été: « Je ne sais pas. Je n’étais pas impliqué et je ne connais pas les détails. »

M. Bertossa a produit les détails d’une conversation (enregistrée par le FBI en 2013) dans laquelle l’un des co-accusés de Steinmetz semblait persuader Mme Touré de se débarrasser des preuves de corruption, mentionnant une certaine personne «là-haut» à BSGR qui a pris toutes les décisions. « Qui est là-haut? » a demandé l’accusation.

« Je ne sais pas qui est là-haut », a répondu l’homme d’affaires. « Il peut y avoir Dieu, mais pas moi. »

Même lorsque l’accusation a produit des preuves de réunions, de courriels et de transferts d’argent qui auraient prouvé que des pots-de-vin avaient eu lieu, Steinmetz a nié toute connaissance de ceux-ci, ce qui a conduit M. Bertossa à se moquer du fait qu’il semblait très étrange que Beny Steinmetz ne sache rien sur le fonctionnement d’une entreprise appelé Beny Steinmetz Resources Group.

Beny Steinmetz n’est pas étranger aux enquêtes sur ses affaires financières. Il a été auditionné au moins une fois par les autorités israéliennes et a été récemment condamné pour blanchiment d’argent (par contumace) en Roumanie, dans une affaire qui serait liée au scandale de corruption en Guinée.

Procès historique

Pour les observateurs du procès, y compris les organisations non gouvernementales qui ont suivi pendant des années le réseau enchevêtré des finances de BSGR, le procès a été historique.

Agathe Duparc de l’ONG suisse Public Eye, qui se concentre sur les grandes entreprises suisses et les multinationales basées en Suisse, a déclaré que l’affaire avait « clairement révélé les rouages de la corruption internationale, dans le contexte de l’un des pays les plus pauvres du monde ».

Bien que le procès ait envoyé un signal fort au secteur minier, il a également montré que la Suisse devrait s’attaquer aux vides juridiques qui permettaient de telles « pratiques prédatrices », a-t-elle déclaré.

En fait, ce procès très public s’est déroulé dans un contexte d’autres mesures visant à assainir le secteur financier suisse, et prouvant que le pays a mis certaines de ses pratiques financières les plus discutables derrière lui. bbc

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