CHRONIQUE

A LA BATAILLE DES ANIMAUX : Au commencement l’Éléphant et l’Alouette

(N°12) S’ils étaient considérés par tous et en tout comme étant des voisins paisibles dont la bonne convivialité résistait à la jalousie malsaine, à l’érosion du temps et aux commérages, comment donc les relations entre l’Éléphant et l’Alouette (amarante du Sénégal) étaient-elles si pourries au point d’en venir aux mains, pour finalement embraser tous les animaux ? Nul ne sait vraiment, mais l’on raconte l’histoire selon laquelle il était une fois les relations entre les  quadrupèdes et les bipèdes s’étaient dangereusement dégradées.

Tout commença entre l’Éléphant et l’Alouette qui vivaient paisiblement dans la forêt jusqu’en ces heures-là. Lorsque l’Alouette faisait petit à petit son nid, l’Éléphant se plaisait avec toute son immense charge à tout défaire sur son passage. L’Alouette déménageait et allait plus loin faire de nouveau son nid. Mais l’Éléphant y passait aussi sous prétexte que c’était son chemin, que tout le domaine lui appartenait. Après moult négociations, moult concessions avortées, le pire était inévitable, et la brouille s’invita. Le jour arriva, et comme le malheur ne vient jamais seul, la dispute entraîna les deux parties à en découdre, à vouloir apprendre à l’autre la belle leçon du bon voisinage.

D’un côté, l’Éléphant a fini de rassembler toute sa troupe ; du quadrupède le plus petit au plus grand : Bsire-le-Lièvre, Dami-Ñaaga-l’Hyène, l’indiscret Écureuil, le Singe, le Macaque,… tout animal qui marche sur quatre pattes.

De l’autre, l’Alouette avec sa suite : Hibou-le-Sorcier, l’Épervier, l’Aigle, le Faucon, le Coucal,… tout animal qui marche sur deux pattes. Cette bande de l’Alouette faisait un si grand bruit au point d’indisposer et d’agacer l’Hyène qui se posait mille et une questions :

  • Qu’est ce qui fait ce bruit énorme ?, demanda-t-elle.
  • C’est la bande d’Alouette, lui répondirent-ils, dans le but de la rassurer. Ils vont l’apprendre aujourd’hui à leur dépends.

Cependant, toutes ces tentatives laissèrent l’Hyène peu convaincue.  Elle prit toute sa résolution d’être sur ses gardes, car dans une telle situation de guerre, rien n’est évident ni gagné d’avance.

  • Dis-donc ! Qu’est ce qui fait tout ce vacarme ? Est-ce vraiment ces minables pigeons incontrôlés ?
  • Oui, ce n’est que du bruit et du vent ! Ils ne pourront jamais résister.

Le Soleil qui s’était discrètement très tôt levé ce matin-là s’invita aussi, observateur.

Finalement, les deux camps arrivèrent dans le champ de bataille sous un grand arbre. Du haut se trouvait le Hibou. De là, il disait au Coq :

  • Dis-le Coq, dis-le Coq ! Celui qui restera, vous l’attacherez avec un gros cordon, le tirerez rid, rid [1]! Dis-le, dis-le ! Celui qui restera le dernier, vous le prendrez et le mettrez dans un canari de suus, suus[2] !

L’heure filait et devenait périlleuse, tant le combat inévitable s’approchait. Les quadrupèdes se consultèrent et demandèrent à l’Écureuil de grimper sur un palmier pour aller constater celui qui faisait tant de bruit là-haut. Le petit quadrupède s’exécuta.

Il partit. Juste le moment d’arriver à la cime, l’Épervier qui l’attendait de ses deux pattes fermes lui donna un coup de bec sec sur la tête. Il se retrouva écrasé par terre devant les siens sous les regards de l’Hyène.

Du haut de l’arbre, le Hibou hululait sans cesse :

  • Dis-le Coq, dis-le Coq ! Celui qui restera, vous l’attacherez avec un gros cordon, le tirerez rid, rid ! Dis-le, dis-le ! Celui qui restera le dernier, vous le prendrez et le mettrez dans un canari de suus, suus !

C’est le moment plus que jamais opportun pour l’Hyène qui commença ses agissements peu enviables dans le but de se retrancher. Le Lièvre qui le surveillait depuis dans ses acrobaties et qui avait, lui aussi, fini par tendre ses oreilles en parade, lui demanda : 

  • Qu’ y a-t-il mon amie ?
  • Ce sont ces fourmis qui ne me collent pas la paix ! Elles ne cessent de me piquer sur mon arrière-train. Jamais dans ma vie je ne les ai supportées ! Je dois devoir en finir avec elles.

Devant le constat de la mort de l’Écureuil, les quadrupèdes demandèrent au Singe de grimper sur l’arbre pour, en fin de compte, aller démasquer le fauteur de troubles. Car, si l’Écureuil s’était mortellement fait avoir, c’est parce que lorsqu’il épie, au lieu de se cacher au travers des feuilles, il ressort sa tête entièrement dehors. Le Singe savait bien s’y prendre.


[1] Une onomatopée qu’on assimile aux hululements du hibou

[2] Idem.

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