CONTRIBUTION

Partir pour ne pas rester.

Par Serigne Mansour Sy Ndiaye

*La jeunesse n’est qu’un mot*, voilà ce disait Pierre Bourdieu dans un entretien avec Anne Marie Metaillé. Il expliquait cela par le fait qu’il y a un usage du même concept pour qualifier des stades de la vie bien différents. Finalement comme on le dit, on est toujours le jeune ou le vieux de quelqu’un.

Faire croire à quelqu’un qu’il est encore jeune, c’est lui suggérer de ne pas assumer ses responsabilités et lui accorder l’excuse de l’immaturité. On use du même procédé pour se dédouaner du problème posé par le phénomène de l’émigration clandestine. Dire que les émigrants sont des jeunes, c’est dire qu’ils optent pour une mort certaine faute d’une conscience à même de leur permettre de se rendre compte du risque encouru. Ils sont avant tout des adultes dans une société qui exige de chacun une prise de rôle et qui ne pardonne pas l’échec. Quelle perspective d’emplois pour eux ? Dans une société qui ne fait pas prévaloir la méritocratie, qui compare sans raison, celui qui ne peut supporter le regard méprisant, qui ne peut plus compter sur personne pour enfin aider ceux qui comptent sur lui, pourrait bien avoir des envies de départ, non pour mourir mais pour ne plus avoir à être considéré comme un looser, sans ambition. L’enfer disait Rimbaud oui mais du nouveau. Seulement l’enfer ne doit pas être une destination. Le rêve du voyage vers l’eldorado doit être remplacé par une volonté à faire de chez soi un paradis. Partir, c’est mourir un peu, restons pour vivre longtemps en essayant chaque jour d’être l’acteur qui à force d’intelligence et d’abnégation fait de son pays une destination privilégiée et plus jamais un port pour embarquer.

Serigne Mansour Sy Ndiaye, Professeur de philosophie au lycée franco arabe public de Louga.

smansoursn@gmail.com

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