Turquie – Le musée Sainte-Sophie pourrait être transformé en mosquée
C’était une décision très attendue en Turquie et bien au-delà : le Conseil d’État turc a annoncé, ce vendredi 10 juillet, sa décision d’abroger le statut de musée de Sainte-Sophie à Istanbul. Cette ancienne basilique byzantine avait été transformée en mosquée à la conquête ottomane, puis en musée sous la République.
Le plus haut tribunal administratif en Turquie a ouvert, ce vendredi, la voie à la transformation de l’ex-basilique Sainte-Sophie en mosquée, en révoquant son statut actuel de musée, ont rapporté les médias turcs.
Le Conseil d’État turc, qui examinait la plainte d’une association musulmane, a décidé d’annuler le décret ministériel de 1934 qui avait transformé Sainte-Sophie en musée – elle était encore mosquée à l’époque.
Le Conseil fait valoir que Sainte-Sophie est, depuis la conquête ottomane, la propriété de la fondation Fatih Sultan Mehmet Han – du nom du sultan qui a conquis Istanbul – , que les statuts de la fondation en garantissent l’usage comme mosquée… à l’exclusion de tout autre usage. En clair, que le décret de 1934, pourtant signé de la main du fondateur de la République, Mustafa Kemal Atatürk, était donc illégal.
Une décision attendue
Cette décision n’est pas une surprise. La presse pro-gouvernementale avait dévoilé, il y a plusieurs jours, l’issue des délibérations. En revanche, l’institution renie sa jurisprudence puisqu’à trois reprises – en 2008, 2012 et 2015 – diverses formations du Conseil avait débouté cette même association musulmane.
Mais il faut dire qu’à l’époque, le président Erdogan refusait de revenir sur le statut de Sainte-Sophie. À cause de l’érosion de son électorat et des tensions avec l’Occident, il a changé d’avis ces dernières années, et la justice l’a suivi.
Recep Tayyip Erdogan s’est d’ailleurs empressé d’annoncer l’ouverture de l’ex-basilique aux prières musulmanes. « Il a été décidé que Sainte-Sophie sera placée sous l’administration de Diyanet [l’Autorité des affaires religieuses, ndlr] et sera rouverte aux prières », a-t-il annoncé, dans un communiqué qu’il a posté sur Twitter.
Mises en garde
Oeuvre architecturale majeure construite au VIe siècle par les Byzantins qui y couronnaient leurs empereurs, Sainte-Sophie est un site classé au patrimoine mondial de l’Unesco et l’une des principales attractions touristiques d’Istanbul.
Convertie en mosquée après la prise de Constantinople par les Ottomans en 1453, elle a été transformée en musée en 1934 par le dirigeant de la jeune République turque, Mustafa Kemal, soucieux de l’« offrir à l’humanité ».
Plusieurs pays, notamment la Russie et la Grèce, qui suivent de près le sort du patrimoine byzantin en Turquie, ainsi que les États-Unis et la France, avaient notamment mis en garde Ankara contre la transformation de Sainte-Sophie en lieu de culte musulman.
Le gouvernement grec n’a d’ailleurs pas tardé à réagir, qualifiant cette décision de « provocation envers le monde civilisé ». « Le nationalisme dont fait preuve le président Erdogan ramène son pays six siècles en arrière », a estimé Lina Mendoni, la ministre de la Culture grecque.
De son côté, l’Unesco a elle aussi rapidement réagi et « regrette vivement » la décision des autorités turques de « modifier le statut » de Sainte-Sophie, « prise sans dialogue préalable », a réagi ce vendredi soir dans un communiqué Audrey Azoulay, directrice de l’organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture. rfi