La parole vraie du Président Sall
La communication du président Sall, à l’occasion de la cérémonie de «Levée des couleurs», le lundi 3 février, au sujet de la situation des étudiants sénégalais de Wuhan où sévit l’épidémie du coronavirus, peut être qualifiée de bonne. Le chef de l’Etat ne nous a pas habitués à un tel langage de vérité, en soulignant que le rapatriement de nos compatriotes nécessite des moyens logistiques qui sont hors de portée du Sénégal.
La construction du message tient la route et obéit surtout aux exigences d’une communication de crise.
Faire preuve de compassion et d’empathie
D’abord, le président a fait preuve de compassion pour nos compatriotes qui vivent une situation très difficile loin de leur pays, dans un confinement où le stress, l’ennui et le doute deviennent le compagnon d’un quotidien complètement déconnecté d’une vie sociale. En affirmant qu’il a «une pensée très grande» à leur égard, M. Sall met aussi en avant l’empathie en se substituant aux concernés.
C’est clair, en communication de crise si l’on ne commence pas par écouter la douleur des victimes ou impactés, il y a des risques réels de ne pas être entendu par la suite. Le vrai communiquant laisse exprimer son pathos pour mieux entrer en relation avec le récepteur.
Le temps de la parole vraie
Ensuite, le président de la République a joué la carte de la transparence. C’est le temps de la parole vraie où l’on explique la méthode de travail, ce que l’on sait et ce que l’on ignore pour l’instant. Le chef de l’Etat a donné les statistiques de nos compatriotes présents à Wuhan : «Nous en avons 12 et un 13è qui était en séjour», dit-il. Le président Sall n’a pas esquivé la question du rapatriement. Mais reconnaît que «ce n’est pas simple». Même les grands pays, dit-il, ont rapatrié avec beaucoup de difficultés leurs compatriotes. Il faut des avions spéciaux, un personnel qualifié. Une fois ces personnes au bercail, il faut les mettre en quarantaine avec tout ce que cela demandera comme dispositif. Notre pays n’est pas encore à ce niveau, confie-t-il.
A ce stade de la communication, le président reconnaît, sans faux-fuyant, les limites de l’action gouvernementale dans ce dossier. Ce qui renforce sa crédibilité.
Des actes concrets pour faire bonne figure
Enfin, le temps de l’action, en communication de crise, consiste à rassurer les populations par des actes concrets sur le terrain pour renvoyer l’image de quelqu’un qui essaie de faire face. Le président Sall a pris en compte cette exigence, en affirmant que l’Etat du Sénégal «travaille avec les autorités chinoises pour voir toute la possibilité de les suivre de façon convenable». Mieux, il est en «contact avec eux (étudiants) par le canal du ministère des Affaires étrangères et de notre ambassade à Beijing». L’Etat les a aussi appuyés financièrement, souligne le premier des Sénégalais. Autre acte, certes symbolique, posé par M. Macky Sall, est le renoncement au voyage en Corée pour le prix qui lui a été décerné. In fine, le président de la République a donné l’assurance que l’Etat fera tout ce qui est en son pouvoir pour veiller à la santé de ses compatriotes, il n’abandonnera pas ses enfants…
Mais le gouvernement gagnerait à se rapprocher davantage des familles des étudiants en leur fournissant régulièrement des informations au sujet de l’état de santé de nos compatriotes. Elles constituent (les familles) avant tout le premier public à rassurer.
Bacary Domingo MANE