Le Crapaud et le Bousier : la grande illusion
(N°2) Le Crapaud et le Bousier étaient deux vieux voisins dont la bonne entente était sue, vue, appréciée et enviée de tous. Un jour, comme ils l’avaient si bien conclu la veille, ils se proposèrent de faire un voyage ensemble pour une contrée lointaine.
La veille, lorsque le Boursier émit l’idée de saisir la chance pour faire chemin commun, le voisin Crapaud rit sous cape, se demandant si vraiment son compagnon pouvait en être capable tant il était le plus lent parmi toutes les créatures qui se mouvaient sous le soleil.
Le jour arriva, et ils s’en furent les deux. Le Crapaud qui se plaisait à son jeu de moquerie, faisait de grandes enjambées laissant derrière lui son compagnon traîner sa lourde carapace. De temps à autre, il lui sommait de presser le pas, car il craignait ne pas être en mesure d’arriver si tôt à destination.
Le Bousier qui n’avait pas compris cette démarche inhabituelle de son voisin, finit par se rendre compte qu’il se faisait railler. Il s’était donc résigné à subir l’opprobre dans l’espoir de pouvoir bel et bien s’en sortir. Ainsi, pressa-t-il le pas à sa manière et à son rythme sous la pression du Crapaud qui filait loin devant et qui prenait par moments ses airs sous l’ombre des arbres. Il l’attendait.
Le voyage durait et le Crapaud, très ironique, se plaisait à cœur joie à son jeu. Et ce qui doit souvent arriver, arriva finalement. Le Crapaud jubilait, se plaisant dans ses fantaisies. Il sautait et sursautait quand soudain lors de l’une de ses parades il tomba dans un foyer de fourmis. Là, il fut coincé et enroulé, et se vit finir par ces opportunistes êtres qui en avaient trouvé pour leur compte.
Le Bousier, arrivé à hauteur de son compagnon, le vit, puis étala ses ailes pour décoller. Le Crapaud qui suivait très surpris de son œil pitoyable et implorant son compagnon, et dans le vain effort d’être secouru, dit :
- Ah oui, c’est comment, tu t’en vas ? Tu savais voler ?
- Qu’est- ce que tu croyais ? Continue maintenant à faire ta grande gueule, lui rétorqua le Boursier qui déplia ses ailes pour s’envoler.
Comme quoi, ne jamais trop présumer ses talents, ses capacités ou sa valeur, est l’une des voies salvatrices pour éviter de tomber victime de sa propre illusion.