CHRONIQUE

La Chèvre et le mil du Phacochère

La Chèvre et le Phacochère avaient décidé comme bon leur semblait de s’associer pour cultiver leur champ. Si le travail du champ de la Chèvre fut réalisé à temps, ce ne fut pas le cas pour celui du Phacochère.

Quand il fut question du lougan de ce dernier, la Chèvre prétexta une crise de paludisme qui, disait-il, lui donnait des courbatures et lui faisait déféquer énormément. Ce qui la rendait casanière pendant tout l’hivernage.

Le Phacochère, le laboureur sans avoir toujours semé, furieux du comportement de son associée, résolut de continuer sans elle. Aussitôt dit, aussitôt fait. Il laboura et sema son champ de mil en un laps de temps, et s’en fut en terre étrangère.

Des mois plus tard, le mil du Phacochère était complètement mûr. Alors, un matin, la Chèvre alla trouver ses amis :

  • Je viens de chez le chef du village. Comme mon associé n’est toujours pas de retour, j’ai décidé de récolter son mil avant qu’il ne soit trop tard.
  • Uhuŋ, uhuŋ, acquiescèrent les amis.
  • Le chef a bien apprécié mon idée. Ainsi convie-t-il tout le monde au travail dès demain matin, continua-telle.

Le lendemain, la Poule, le Canard, la Perdrix, le Mange-mil visiblement soucieux, le Mouton, la Vache, armés de couteaux et de paniers, se mirent très tôt en besogne. En peu de temps, le champ fut désépié.

Mais peu de temps après, le Phacochère fut de retour, il ne trouva que de la paille dans son champ. C’est au besoin qu’on reconnaît le vrai ami, n’est-ce pas.

  • Merci Chèvre d’avoir épargné la perte de ma récolte !, lui dit-il. Mais je ne vois nulle part aucune botte de mil. Nulle part aussi ne se dresse un silo, ajouta le Phacochère.
  • Je te les montrerai demain, argua la Chèvre.

Mais chaque jour, la Chèvre trouvait toujours une occasion ou un prétexte pour éviter son ami maintenant plus que jamais préoccupé et à qui elle ne pouvait montrer même un petit bout silo. Ayant compris enfin le sabotage fait de sa récolte, le Phacochère décida de se venger. Il organisa une grande fête.

Ce jour-là, tous les habitants du village avaient mis leurs plus beaux atours. De repas plantureux étaient servis à tout le monde. Puis vint le tour du vin qui commença à émoustiller les invités si bien que la place publique s’était transformée en une véritable tribune d’orateurs. Parmi ceux-ci, la Chèvre dans son aise joviale, volait la vedette à tous. En dernier lieu, elle déclara :

  • mbee, mbee, mbee[1] ! Je suis l’amie du Phacochère, une vraie amie ! C’est un brave homme. Quand il s’était exondé, je savais qu’il allait faire fortune et moi aussi… Car il ne serait question qu’il soit riche et moi pauvre, et que son retour auprès des siens serait une véritable noce. Ne sommes-nous pas en train de ripailler ? interrogea-t-elle l’assistance.
  • Oui !, lui a-t-on répondu.
  • C’est pourquoi j’ai saccagé sa récolte, car elle ne lui servira à rien comparée à la fortune amassée là-bas, renchérit-elle.
  • Euh ! Euh ! grogna l’assistance.

Celle-ci, comme attendant ce moment de cette mauvaise parole lâchée, lui roua de coups de pieds, des coups de bâton, entre autres atteintes.

Et depuis ce jour, la Chèvre fut bannie du village. Car, même si le paresseux, par son imagination, arrive toujours à vivre aux dépens des autres, il demeure dans tous les cas un crottin de chien.


[1] Allusion faite aux béguètements de la chèvre.

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