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Droits des femmes : comment la nouvelle génération compte faire bouger les lignes en Afrique ?

Il apparaît que dans ce combat, les jeunes s’impliquent de plus en plus et prennent leur responsabilité. « On observe qu’ils ont compris qu’il est important de s’organise pour faire entendre leur voix », constate Mme Adjamagbo-Johnson.

On note aujourd’hui donc des réseaux de jeunes femmes et filles qui se donnent comme objectifs la promotion de leurs droits, en se battant contre les inégalités, les discriminations, les injustices. Le réseau des Négresses féministes, par exemple, opère dans beaucoup de pays en Afrique de l’Ouest pour cela.

Egalement le réseau des Africtivistes qui regroupe non seulement des jeunes femmes, mais aussi des jeunes hommes. Des initiatives comme « les Justiciers du Sahel » permettent à ces jeunes de montrer qu’ils veulent se prendre en charge.

Le Collectif féministe Nala n’est pas du reste. Ce collectif a réussi à faire avancer 8 des 10 revendications politiques du Manifeste des jeunes femmes africaines Pékin+25, notamment les revendications pour la justice économique, la criminalisation de la violence basée sur le genre, une fin à la discrimination entre les sexes, les droits à la santé sexuelle et reproductive, l’éducation inclusive, équitable et de qualité, la justice numérique, faire taire les armes et enfin le co-leadership intergénérationnel.

Ces sujets ont été inclus dans le Plan d’action des Nations unies et le Compact pour les femmes, la paix et la sécurité et l’action humanitaire. « Il est vraiment merveilleux de voir à quel point la nouvelle génération de femmes africaines est déterminée à bouleverser le statu quo et à accélérer les progrès vers l’égalité en tirant parti de leurs voix, de leur leadership, de leur innovation et de leur action collective. Nous ne faisons pas que parler et agir, mais nous montrons la voie aux générations plus jeunes », affirme Mme Christine Gathecha du collectif.

Ces jeunes se servent agréablement les nouvelles technologies pour promouvoir les droits des femmes à travers les plaidoyers, l’activisme et le leadership, mais aussi et surtout, en exigeant des comptes des gouvernements et des institutions et en investissant dans l’éducation et l’autonomisation, pour briser les barrières et défier les stéréotypes.

Nombreux sont ceux qui pensent que la réussite de ce combat pour les droits des femmes réside dans la collaboration entre l’ancienne et la nouvelle génération de féministes.

La lutte des leaders féministes pour l’égalité entre homme et femme, comme on peut le voir, ne date pas d’aujourd’hui. Elle est portée depuis plusieurs dizaines d’années par des femmes déterminées à faire valoir leurs droits au sein d’une société africaine qui continue d’avoir des préjugés sur la femme.

Heureusement, selon Mme Christine Gathecha qui représente la jeune génération dans cette lutte, il existe une interconnexion entre l’ancienne génération, ce qui assure une bonne continuité du combat. « Impliquer plusieurs générations dans la lutte pour l’égalité des sexes favorise non seulement la durabilité, mais reconnaît également l’interconnexion des questions de genre avec d’autres facteurs sociaux », reconnaît-elle.

« Nous nous ressentons que pour l’avenir du mouvement féministe, il faut impliquer de plus en plus les jeunes pour assurer la relève de ce combat féministe », renchérit Mme Brigitte Adjamagbo-Johnson de WLDAF-TOGO, qui représente l’ancienne génération dans cette lutte, mais la continue aux côtés de ses plus jeunes sœurs.

Pour cette dernière, ce combat doit être pérennisé pour enrayer ce fort taux de pauvreté qui touche les femmes, la mortalité maternelle qui est de plus en plus exponentielle sur le continent africain, la mauvaise perception des droits à la santé sexuelle et reproductive.

Se basant sur le Manifeste des jeunes femmes africaines de Pékin+25, le Collectif féministe Nala, de son côté, défend également la nécessité d’un co-leadership intergénérationnel entre la nouvelle génération et les générations précédentes de leaders féministes.

« C’est pourquoi une approche générationnelle est essentielle pour faire avancer l’égalité des sexes car elle embrasse des perspectives et des expériences diverses dans différents groupes d’âge. En reconnaissant le transfert intergénérationnel de connaissances, les politiques et les programmes deviennent plus inclusifs et efficaces pour aborder les disparités entre les sexes », souligne la Directrice du collectif.

Le partage des idées entre l’ancienne et la jeune génération, poursuit-elle, favorise l’apprentissage et la compréhension intergénérationnels. « De plus, des interventions ciblées peuvent être adaptées pour aborder les obstacles spécifiques rencontrés par différents groupes d’âge, garantissant un accès et des opportunités équitables pour tous ».

« Nous avons le défi d’amener la jeune génération à être avec nous, à mieux comprendre le combat, à prendre en compte les sujets qui la préoccupent aujourd’hui, à montrer que ce combat que nous faisons, c’est pour la femme de demain qu’elle est », ajoute Mme Brigitte Adjamagbo-Johnson qui indique que son réseau panafricain des droits des femmes a toujours posé un dialogue intergénérationnel afin d’impliquer ces jeunes et obtenir des avancées dans le domaine culturel, tout en minimisant le poids des normes sociales et des croyances religieuses sur les femmes.

C’est en cela que les mouvements féministes comptent inciter la jeune génération à laisser allumer le flambeau de cette lutte.

Cependant, c’est un combat de longue haleine qui requiert de la prudence surtout. Puisque certains accusent les féministes de devenir des misandres dans une société africaine dominée par des hommes.

Des erreurs à éviter dans la lutte

Les féministes ne sont pas des misandres, comme le souligne Ndèye Fatou Kane, écrivain sénégalaise, dans son livre « Vous avez dit féministes ! ». Pour elle, on peut être féministe et aimer les hommes. Ce qu’il faut, c’est de repenser les modèles d’éducation en Afrique, surtout en ce qui concerne les filles et les garçons.

Le Collectif féministe Nala, dans ce combat pour la promotion des droits des femmes, se fait très prudent pour éviter des erreurs qui peuvent porter préjudices aux acquis et braquer la société.

« Le tokenisme et l’essentialisme doivent être évités et remplacés par un engagement à reconnaître et à valoriser les expériences diverses, tout en favorisant des environnements collaboratifs et ouverts au sein des espaces féministes », souligne sa directrice.

Mme Christine Gathecha invite à assurer l’inclusivité, en évitant l’exclusion basée sur les marqueurs d’identité et en luttant pour une représentation authentique.

L’autre erreur à éviter est de « résister à la reproduction des normes patriarcales dans les espaces féministes et d’éviter de se concentrer sur un seul sujet, en plaidant plutôt pour des approches globales et intersectionnelles, nécessitant une reconnaissance de l’interaction complexe des diverses identités ».

Il n’est pas facile d’être féministe en Afrique, reconnaît Ndèye Fatou Kane, la jeune féministe sénégalaise. Mais il faut lutter pour que cette culture féministe soit ancrée dans les mentalités et surtout éviter aux femmes « les pires atrocités » dont elles sont victimes dans les sociétés africaines.

BBC

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