BRUNO, LE DÉMINEUR DU PALAIS
C’était un ermite qui vivait à l’écart d’un monde bâti sur le sable mouvant des apparences – Le contact avec le pouvoir ne l’a jamais transformé comme ces arrivistes engagés dans une course folle pour les 2 R (richesse rapide)
Il est monté au ciel…en toute discrétion, comme il a vécu toute sa vie durant ! Bruno Diatta, le responsable du protocole du chef de l’Etat, le sculpteur du Corps sacré du président, a jeté le pinceau. Puisse son œuvre inspirer le cœur des politiciens «nouveaux riches» et des lobbyistes dont l’âme est corrompue par les 2 R (richesse rapide).
Sur le théâtre des opérations militaires, on l’aurait assimilé, à un démineur. Celui qui sécurise et facilite l’avancée des fantassins, les troupes au sol, vers l’ennemi. Lui, n’était pas soldat, mais diplomate, chargé du protocole du président de la République. Mais, à l’image du démineur, son travail, au palais, consiste à ouvrir la voie au chef de l’Etat.
Bruno Diatta, pour ne pas le nommer, était «l’étrier» sur lequel le chef de l’Etat pose le pied, pour maintenir l’équilibre «protocolaire». Car le Corps Sacré du président est astreint à une certaine discipline, puisque dépositaire de la fonction de souveraineté, comme nous l’enseigne Ernst Kantorowicz, dans son excellent ouvrage : « Les deux corps du Roi, Paris, Gallimard, 1989 ». Il était le «magicien» qui insufflait à ce corps symbolique, vivant et perpétuel, l’âme de la solennité. Un corps habité par la République ne saurait mordre à l’appât de la désinvolture, de la légèreté coupable.
Au palais, le chef du protocole, s’occupait de l’accueil, des hautes personnalités locales et étrangères, reçues par le chef de l’Etat, à l’occasion d’entretiens, de réunions au sommet, de déjeuners et de dîners. C’est aussi le cas, lors des cérémonies officielles comme la remise de décorations ; la présentation des lettres de créance d’ambassadeurs étrangers accrédités dans notre pays ; les cérémonies de vœux etc.
Le personnage du président symbolise la nation, l’Etat. Le pouvoir de chaque citoyen s’incarne en lui. C’est pourquoi le travail du protocole est de veiller sur ce Corps Sacré qui n’est pas toujours à l’abri des incursions du corps charnel, comme lorsqu’il esquisse des pas de danse, ou se substitue aux hommes de sécurité pour régler lui-même un détail.
Bruno était le sculpteur qui polissait ce corps, de manière à lui donner la raideur qu’il faut. A chaque cérémonie protocolaire, «l’artiste» B.D (Bruno Diatta), tel son homologue de la BD (bande dessinée), dessine, pour le président, les contours d’un visage grave, avec un costume sombre, un débit uniforme et le regard froid. Le chef du protocole du palais n’a jamais perdu de vu l’importance des attributs du pouvoir. Car ce qui compte, c’est la production de mythes et de symboles. «Tout le monde voit bien ce que tu sembles par dehors, mais bien peu ont le sentiment de ce qu’il y a dedans (…)». Bruno Diatta mettait en pratique cette maxime de Machiavel, lorsqu’il préparait et accompagnait les déplacements officiels du président de la République, à l’intérieur du pays ou à l’étranger, à l’occasion des visites bilatérales et sommets multilatéraux.
Avec son sens élevé de la mise en scène (le pouvoir est représentation», il a contribué à la synchronisation de l’activité officielle du chef de l’Etat, à travers les missions préparatoires, de repérages sur le terrain, de suivi d’invitations et d’ébauche de plans de table.
Cet adepte du travail bien fait, savait que sa fonction pouvait l’amener à avoir la grosse tête, puisqu’il a serré la main des grands de ce monde. Mais lui, n’était pas de cette race d’hommes et de femmes dont l’ego démesuré a fait tant de souffrance dans leur entourage. Il était discret, très discret et avare en parole. C’était un ermite, qui vivait à l’écart d’un monde bâti sur le sable mouvant des apparences. Le contact avec le pouvoir ne l’a jamais transformé, comme ces «nouveaux riches», ces arrivistes à la moralité douteuse qui ont engagé une course folle pour les 2 R (richesse rapide). En catholique convaincu, il a très tôt compris que l’homme n’est qu’un pèlerin sur terre.
Puisse son exemple inspirer le cœur de politiciens et de lobbyistes dont l’âme est corrompue par le gain facile et des futilités. Et les pousser à méditer ces paroles de Jésus aux Juifs qui ont cru en lui : «Vous connaitrez la vérité et la vérité vous affranchira» E. St Jean.
Bacary Domingo MANE