CORONAVIRUS : Des pertes faramineuses pour l’Economie française
Parmi les secteurs qui ont le plus souffert de la crise, figure en premier lieu l’hébergement et la restauration. (Crédits : Bpifrance)L’impact d’un mois de confinement entraînerait une perte de 60 milliards d’euros pour l’économie française, soit 2,6 points de PIB annuel selon une évaluation de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).
L’ampleur des effets du coronavirus sur l’économie française ne cesse de s’accroître. Selon une note de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) publiée ce lundi 30 mars, l’impact d’un mois de confinement est estimé à environ 60 milliards d’euros, soit une perte de 2,6 points de produit intérieur brut (PIB) annuel.
Vendredi dernier, le Premier ministre Édouard Philippe a annoncé que les mesures de confinement seraient prolongées jusqu’au 15 avril. En attendant, le bilan humain ne cesse de s’alourdir sur le territoire français et le pic de la pandémie n’est pas encore atteint. Chez nos voisins, l’Italie et l’Espagne doivent faire face à un nombre croissant de victimes.
Pour le gouvernement français, cette crise sanitaire pourrait avoir des répercussions majeures sur l’activité et les conditions de la reprise. « C’est un choc économique sans commune mesure avec les crises de 2008 et 1929 », a expliqué le directeur du centre de recherches Xavier Ragot lors d’un point presse ce lundi matin.
L’onde de choc se propage dans un grand nombre de secteurs à la fois par des effets d’offre et des effets de demande. S’il est encore trop tôt pour mesurer l’ensemble des dégâts, les premiers indicateurs avancés soulignent que l’économie hexagonale s’oriente vers une forte récession pour 2020
Un choc économique hétérogène
L’ensemble de l’économie française est touchée par les effets de la crise. Parmi les secteurs qui ont le plus souffert, figure en premier lieu l’hébergement et la restauration. La fermeture administrative des restaurants, bars, brasseries, lieux de restauration depuis la mi-mars a provoqué un coup d’arrêt brutal pour tous ces établissements. Ainsi, 98% de l’activité serait paralysée selon les simulations opérées par le centre de recherches. Viennent ensuite les matériels de transport (-70%), le commerce (-55%) et la construction (-51%).
Le bâtiment est particulièrement frappé par cette pandémie avec un nombre considérable de chantiers au point mort. Les fédérations professionnelles du bâtiment sont confrontées à de grandes difficultés pour tenter de faire respecter les règles de sécurité sanitaire sur les chantiers.
D’autres secteurs comme les services non-marchands (-10%), l’agriculture (-13%), les services financiers (-16%) ou encore les services immobiliers (-18%) sont moins asphyxiés.
Malgré tout, quelques secteurs pourraient tirer leur épingle du jeu. « Il y a des secteurs gagnants comme les télécommunications, l’agroalimentaire, l’industrie pharmaceutique », souligne Mathieu Plane, économiste à l’OFCE.
5,7 millions de personnes en chômage partiel au maximum
La mise à l’arrêt ou le fort ralentissement de pans entiers de l’économie hexagonale pourrait entraîner une explosion des inscriptions au chômage partiel. D’après les projections des économistes du laboratoire de recherches rattaché à Sciences-Po Paris, plus de 5,7 millions de salariés, soit 21% de l’emploi salarié, pourraient se retrouver au chômage partiel. Vendredi dernier, la ministre du Travail Muriel Pénicaud a précisé que plus de 220.000 entreprises avaient eu recours à ce dispositif pour environ 2,2 millions de salariés. Pour faire face au marasme, le gouvernement incite les entreprises à recourir à ce type de mesure pour éviter les licenciements massifs et faciliter la reprise.
« Les principaux domaines » concernés sont « l’industrie, l’hébergement et restauration, la construction et le commerce non alimentaire », comme « les garages, qui sont très touchés en ce moment », a précisé la ministre. « Le but du chômage partiel, qu’on utilise massivement, c’est d’éviter les licenciements. Mon premier objectif, c’est qu’on évite les licenciements », afin d' »éviter la casse sociale et aussi permettre aux entreprises, demain, de repartir avec leurs compétences », a-t-elle souligné.
Le coût estimé pour les finances publiques serait d’environ 12,7 milliards d’euros et la perte de cotisations sociales est estimée à 8,7 milliards d’euros. Au total, l’enveloppe budgétaire pourrait dépasser les 20 milliards d’euros. L’exécutif pourrait rapidement revoir ses prévisions à la hausse. Dans la présentation de son plan de soutien aux entreprises et aux salariés il y a deux semaines, le ministre de l’Économie Bruno Le Maire avait prévu une enveloppe de 8 milliards d’euros sur deux mois pour les mesures de chômage partiel. Ce qui pourrait être largement insuffisant.
Une chute drastique de la consommation des ménages
La consommation des ménages, traditionnel moteur de l’économie tricolore, subirait une chute très importante avec le confinement. Cette baisse est évaluée à environ 18% par les statisticiens, contribuant à faire baisser le produit intérieur brut de 13%. L’impact est concentré sur un certain nombre de secteurs. Il apparaît que les branches les plus touchées concernent avant tout les services de transports, la fabrication et les réparations de matériels de transport, et la consommation d’énergie liée aux transports. À l’opposé, la consommation dans l’agriculture et l’industrie agroalimentaire, la consommation d’énergie pour les logements ou celle pour les activités immobilières semblent moins touchées.
Des investissements en nette diminution
Les répercussions de ce mois de blocage sur l’investissement pourraient être immenses. Les simulations opérées par le centre de recherches indiquent que la formation brute de capital fixe (FCBF), c’est-à-dire l’ensemble des investissements, pourrait diminuer de 37% par mois de confinement, soit une réduction de 8,5% du PIB mensuel. Une grande partie de l’impact (60%) serait concentrée sur la construction. En 2019, le cycle électoral en vue des élections municipales avait dopé l’investissement dans la construction par le biais des collectivités locales. Pour 2020, les perspectives devraient être assombries par la paralysie d’un grand nombre de chantiers.
Des effets non linéaires dans le temps
Ce marasme économique déboussole le travail des économistes. Le calcul des conséquences d’un confinement d’un mois sur l’économie est loin d’être linéaire. L’impact macroéconomique au bout d’un mois pourrait s’aggraver par l’effet de facteurs non linéaires comme « la perte de productivité en cas de télétravail prolongé (complémentarité avec les tâches présentielles), l’épuisement des stocks de produits critiques nécessaires à la production et donc une amplification de la rupture des chaînes de valeurs, un durcissement des mesures de confinement (à l’inverse un assouplissement pourrait atténuer l’impact), les risques financiers et bancaires ainsi que des effets de stock sur les bilans (trésorerie, carnets de commande, prime de risque), en particulier des acteurs privés et donc la multiplication de faillites ». « Ce travail comporte une grand part d’incertitude », insiste Xavier Ragot.
Surtout, la reprise économique pourrait s’avérer décevante si la propagation du virus perdure dans les semaines à venir. « La reprise va dépendre de l’état de l’appareil productif. Il faut d’urgence avoir une doctrine d’intervention de l’État pour éviter les faillites avec le Ciri (Comité interministériel de restructuration industrielle) et l’agence des participations de l’État (APE) », souligne Xavier Ragot.
En dépit de la multiplication des mesures de soutien favorables aux entreprises, la baisse de la demande mondiale et la dégradation de la conjoncture dans l’ensemble de la zone euro pourraient provoquer des faillites en cascade pour un certain nombre d’entreprises déjà fragilisé.
Latribune.fr