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Augmentation du nombre de députés / Ne pas réparer une injustice par une injustice

Par Mamadou Diop «Decroix»

En 1960, le Sénégal comptait 80 députés pour 3 millions d’habitants soit un ratio d’un député pour 37 500 habitants. Aujourd’hui, le ratio est d’un député pour 110.000 habitants soit trois fois plus. L’effectif du parlement n’a pas aussi connu que des hausses. S’il a connu une progression constante de 100 députés en 1978, année où l’opposition est entrée pour la première fois à l’Assemblée nationale, à 140 en 1998, l’effectif est retombé à 120 en 2001 pour de nouveau remonter à 150 en 2007 puis 165 en 2017. Evidemment à chacune de ces occasions, des controverses ont été notées entre les Pour et les Contre.

Aujourd’hui on nous dit que la base d’attribution des 90 sièges réservés aux départements est d’au moins 2 sièges pour une population de 170.000  habitants ou plus par département et qu’il y a des départements qui comptent plus de 170.000 habitants et qui sont toujours à 1 député.  Il faut évidemment donner à ces départements ce à quoi ils ont droit. Sinon c’est une injustice. Il y a dans la foulée deux départements au moins qui ont été injustement traités depuis 2007. Ce sont les départements de Thiès et de Mbour dont la taille des populations dépasse largement deux députés. À titre d’illustration : selon les statistiques de l’ANSD, des départements trois fois moins peuplés que le département de Thiès ou celui de Mbour ont exactement le même nombre de députés (2) que Thiès et Mbour.  Il est clair qu’il y a là un déséquilibre qui ne s’est appuyée que sur des considérations politiciennes.  Ces déséquilibres doivent être corrigés. Or, les hypothèses posées par le Ministre en charge des élections ne permettent pas de déboucher sur une solution :  

Diminuer le nombre de députés par Département

. Réduire le nombre de députés de la diaspora

. Diminuer le nombre de députés de la liste proportionnelle

Premièrement : il doit être exclu de diminuer le nombre de députés par département. Une telle diminution ne pourrait concerner que Dakar, Pikine et Touba. En effet on ne saurait faire passer les départements qui ont 2 députés à 1 député encore moins réduire les départements d‘un député à 0 député. Or le taux de croît démographique des départements de  Dakar, Pikine et Touba est d’une rapidité telle que si on devait toucher à leur quota ce ne pourrait être qu’en termes d’augmentation et non de diminution.

Deuxièmement : Il doit être également  exclu de réduire le nombre de députés de la diaspora. Les arguments qui avaient fondé la mise en place d’un quota de députés pour la diaspora n’ayant pas été récusés, cette hypothèse de baisser les 15 députés de la diaspora est irrecevable.

Troisièmement : il doit être enfin exclu de diminuer le nombre de députés de la liste proportionnelle. Ce nombre devrait être plutôt augmenté au motif que beaucoup d’acteurs politiques sont pour un scrutin proportionnel intégral. Mais il reste constant que le consensus de 1992 avait fortement insisté sur la nécessité d’assurer le pluralisme au parlement. La présence de courants politiques divers devait refléter le pluralisme à l’Assemblée nationale.  Porter atteinte à ce consensus c’est tuer le débat démocratique dans l’institution. En tout état de cause les  citoyens sénégalais, en ce qui les concerne, ont constaté que, pour l’essentiel, les députés de ces partis qui sont généralement de l’opposition apportent énormément à la qualité du débat au parlement parce qu’ils y sont la voix du peuple. Créer les conditions de leur exclusion serait simplement un énorme recul démocratique.  

Que faut-il donc faire ? Il ne reste que l’augmentation et ses mesures correctives. En effet,  pour répondre aux justes préoccupations de vastes pans de l’opinion pour qui  l’Assemblée nationale est une institution inutile et budgétivore, l’approche devrait corréler l’augmentation du nombre de députés à des  restrictions budgétaires à l’Assemblée qui n’écarteraient pas, le cas échéant, une diminution des indemnités parlementaires de sorte que cette augmentation ne puisse en aucun cas entraîner des surcoûts de dépenses publiques. De fait, si la bureaucratie parlementaire qui se recrute dans la Majorité est sevrée un tant soit peu de ses nombreux privilèges, toutes les préoccupations seront sauves. Les départements ne seront pas amputés, la diaspora, à défaut d’être augmentée ne sera pas non plus amputée et le pluralisme à l’Assemblée sera sauvegardé.

Ps : Cette réflexion ne porte que sur une question posée et à résoudre ici et maintenant. Nos positions sur les réalités actuelles du parlement et sa véritable vocation dans l’hypothèse d’une révolution républicaine sont d’un tout autre ordre.  

Mamadou Diop «Decroix», député à l’Assemblée nationale.

Dakar le 25 mars 2022

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