Gestion de la covid-19 : De la nécessité de passer de la passion à la raison
Par Oumar Sy, professeur de philosophie
Nous voici à présent arrivés à un stade de saturation et à un niveau de ras-le-bol où le maintien des restrictions par rapport à notre mobilité et à nos activités risque de causer plus de dégâts que les craintes qui pouvaient en constituer les sources de motivation et de légitimation. Il est plus que temps de reconsidérer les approches et que l’on évite de profiter de la panique partie de l’évolution catastrophique de la pandémie en Occident et qui a quasiment eu raison de la foi et de la raison pour confisquer nos libertés et briser notre élan vital.
Présentement, il apparaît de façon manifeste que la covid-19 à elle seule ne représente point plus de menace que les mesures prises pour la combattre. Qu’on arrête donc de nous gonfler les nerfs avec cette inflation d’arrêtés liberticides dont nous avons d’ailleurs du mal à cerner les nuances. En un mot, pour parler comme Aristote, « il faut savoir s’arrêter ».
Concernant la reprise des enseignements prévue le 2 juin, mes appréhensions sont plus d’ordres technique et pédagogique que sanitaire même si je n’écarte pas les risques. Loin s’en faut. Ce sur quoi je suis en mesure de me prononcer avec une certitude apodictique, c’est qu’aucun professeur de philosophie sérieux ne peut avoir la prétention de terminer le programme d’autant plus que beaucoup d’établissements envisagent une réduction horaire compte tenu de la démultiplication des classes pédagogiques. Va-t-on alors sournoisement servir en catimini un programme tronqué pour délivrer des parchemins qui ne correspondent guère aux compétences qu’ils sont censés refléter ? Tout porte à le croire. En toute objectivité, au moins, pour une fois, on aurait dû renoncer à l’anticipation des épreuves de philosophie pour composer en même temps que les autres disciplines.
Pour une fois, depuis la réforme, on aurait dû penser à (ré)organiser le bac en octobre en le faisant coïncider avec la période d’organisation de la session de remplacement. Cela permettrait d’installer progressivement, patiemment et sereinement les compétences requises pour qu’un candidat bien formé soit digne d’être élevé au grade de bachelier. Mais, hélas! On a l’impression que malgré l’exceptionnalité de la situation de cette année, on organise le bac au Sénégal en pensant à l’agenda des universités étrangères qui sont la destination de quelques privilégiés. Ce n’est pas acceptable.
Par ailleurs, je tiens à affirmer avec force que nous n’avons aucune raison de craindre le spectre d’une année blanche à partir du moment où il serait insensé de faire passer par pertes et profits le semestre qui a déjà été validé. Cette année ne peut pas être blanche. Dans le pire des cas, il sera juste question d’un réaménagement pour réunir les conditions d’organisation du second semestre. Le système LMD doit servir d’exemple. Au cas où il serait possible de le terminer avant fin décembre, on pourrait enchaîner au besoin avec des remédiations qui permettraient de relever le niveau des élèves en difficulté d’apprentissage et réussir par la même occasion une matérialisation du PZR (Projet Zéro redoublement) sur lequel nous avons eu l’occasion de travailler en différents séminaires. Aujourd’hui, on n’en parle presque plus me semble-t-il. C’est une des spécialités bien de chez que d’être prompt à organiser des séminaires sur tout pour n’agir sur rien.
Je termine en disant ceci: nous devons mettre un terme à la dictature d’une bureaucratie formaliste peu soucieuse des réalités du terrain et prompte à s’appuyer sur des pantins avec comme seule ambition « la chasse aux postes plus élevés » et « la soif de faire carrière » comme aurait dit Karl Marx. (Cf. La critique de l’idéalisme hégélien et la critique de l’État moderne, 1843). Apprenons à partir de la base au sommet.
Bonne reprise et bon courage à tous les collègues de tous les établissements scolaires du pays.
Deweneti!
Dieu nous garde!
Oumar Sy,
Professeur de philosophie,
Formateur au CRFPE de Dakar.