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Communication politique – Sonko «invente» le meeting de masse-causeries

Par Bacary Domingo MANE

Parmi les succédanés de contacts directs avec des cibles électorales précises, Philippe J. Maarek, cite, dans son ouvrage[1] , l’exemple des meetings. Il les range en deux catégories : les meetings-ciblage et les meetings de masse.  Les premiers (meetings-ciblage), rassemblent un nombre réduit de personnes avec un ciblage précis, c’est-à-dire bien identifié. Les seconds drainent beaucoup de monde et le ciblage n’est pas  précis ou moins précis.  

Avec la réalité de la campagne électorale pour le scrutin législatif du 17 novembre 2024 dans notre pays, le Sénégal, l’on peut valablement rajouter une sous-catégorie dans les meeting de masse, en y insérant la variable : causerie. Nous avons remarqué ce phénomène avec le Président du parti Pastef, Ousmane Sonko qui a su transformer les méga ou giga-meetings en espace de causeries.  

Face à ses militants et sympathisants, en posture assise, le leader charismatique échange avec une parie de ses électeurs. Sa communication politique privilégie l’information sur les pôles de développement. Il ne s’agit pas de parler, en général, de l’Agenda de transformation, partout où sa caravane passe. Il est plutôt question de s’entretenir avec les populations de chaque pôle de développement économique (ils sont au nombre de huit) en leur exposant ce que le régime du Président Diomaye Diakhar Faye compte y réaliser. La posture des militants et sympathisants occupant les chaises ou assis à même le sol, favorise l’écoute.  Cela renvoie à une certaine convivialité et ce n’est pas, sans rappeler, les causeries au coin du feu ou sous le Bantamba, en Afrique.

Nous sommes alors loin de ces meetings de masse où l’on favorise le folklore. Certes, le ciblage est moins précis (population disparate), c’est pourquoi la communication politique s’y exerce presque toujours de manière unidirectionnelle, avec un important feed-back qu’est la réaction du public aux discours du candidat. Le contact, dans ces meetings de masse traditionnels, est indirect. C’est ce qu’explique Philippe J. Maareck : «Certes, les spectateurs des meetings de masse ne sont déjà plus des interlocuteurs : ils ne peuvent pas répondre directement, ou poser des question à l’homme politique. Mais ils peuvent par contre avoir, là encore, une impression de proximité, physique et chronologique, puisqu’ils le voient directement et se trouvent simultanément dans le même lieu que lui[2]

L’on peut désormais parler de changement de paradigme avec les meetings de masse-causeries initiés par le patron de Pastef. L’impression de proximité est renforcée par les postures du leader et des récepteurs. Le format favorise le dialogue, mais à condition de l’organiser. Deux ou trois personnes peuvent être choisies pour interpeller le candidat (en restant dans le sujet), ce qui permettrait à ce dernier de donner plus de détails dans son exposé. Le candidat gagne en sympathie puisque renvoyant l’image d’un leader attentionné, respectueux, humble et qui a surtout le sens de l’écoute active. Le non-verbal et le para-verbal lui permettront ainsi de remporter la bataille des cœurs, en touchant, in fine, la fibre émotionnelle des récepteurs.

Les risques de cacophonies seront ainsi réduits, grâce au travail bien huilé des stratèges en communication, puisque les personnes qui se rendent majoritairement à ces meetings, ont en commun le fait d’être sympathisants de l’acteur politique ou de revendiquer une certaine proximité idéologique. Ces personnes se sont déplacées volontairement. L’exemple du giga-meeting au stade Aréna de Dakar, en est une illustration parfaite, avec des militants et des sympathisants qui ont payé un ticket d’entrée.

Lepen  «inspire» Pastef

Mais le même phénomène a été observé, il y a quelques décennies, en France avec le Front national de Jean-Marie Lepen : «En France, ces dernières années, les organisateurs des meetings du Front national ont habilement su renforcer cet impact psychosociologique en forçant les spectateurs à payer un prix d’entrée, certes faible (dix francs en général) : l’acte de paiement accroît la conviction favorable préalable des spectateurs, et, par corolaire, la cohésion de l’audience vis -à- vis des orateurs[3]».

Cependant, nous ne perdons pas de vue que le comportement de certaines personnes au Sénégal, fréquentant les meetings, constitue la preuve que la présence dans ces lieux de grands rassemblements ne signifie pas forcément qu’on a une dose de sympathie envers le candidat. Les militants «express»[4] qui remplissent les «cars rapides» et les «Ndiaga Ndiaye» sont en service commandé, moyennant uniforme et argent.

Bacary Domingo MANE


[1] Maarek J. Philippe, Communication et marketing de l’homme politique, ed Litec, publié en 1992, P.103 à 105.

[2] Maarek J. Philippe, ibid, P.103

[3] Maarek J. Philippe, loc.cit.

[4] Pour assurer la mobilisation à l’occasion de meeting ou autre rassemblement, des leaders politiques sénégalais, mettent beaucoup d’argent pour engager des hommes et de femmes transportés, parfois nourris, en uniformes et payés en conséquence. Ils sont justes là pour la galerie et l’argent. Ces militants «express » n’ont aucune âme de militant.

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