CHAD: Les vérités crues de Nasour KOURSAMI, Président du parti Les Patriotes à J-2 du vote référendaire. EXCLUSIF
À 40 ans, il garde l’allure d’un opposant debout. Alliant une ligne politique constante et vision programmatique inclusive au service du peuple, Nasour KOURSAMI Ibrahim, Président du parti Les Patriotes s’est confié en exclusivité à Confidentiel Afrique. Il évoque les raisons du boycott par son parti du vote référendaire prévu ce dimanche et les desseins boulimiques du régime KAKA, le retour bling-bling raté au pays de Succès MASRA, de l’ingérence « hypertrophiée » de la France et des USA dans le jeu d’influence politique tchadien. Interview exclusive
À deux jours du vote référendaire populaire qui sera soumis au peuple tchadien, pour son rejet ou son approbation, votre parti » LES PATRIOTES » a décidé de le boycotter. Quelles sont les raisons qui motivent ce choix ?
Nasour Koursami, Président National du parti Les Patriotes : Les raisons sont multiples. Dans ce processus, les autorités de transition font étalage de leur médiocrité en classant même les résolutions de leur prétendu Dialogue National dit Inclusif et Souverain, au « musée d’illusions ».
En principe, selon ce dialogue, l’on devrait soumettre deux projets de Constitution au peuple : un avec la forme d’État unitaire décentralisé et l’autre est axé sur l’État fédéral. Malheureusement, par une baguette magique et la mégalomanie surtout de certains laudateurs du régime, la question de l’État fédéral a été purement et simplement déviée. Au bout du compte, la possibilité d’avoir deux projets de Constitution a été écartée pour enterrer la revendication légitime des Tchadiens de trancher sur la question de la forme de l’État par référendum. C’est la raison pour laquelle, nous disons que ce référendum en préparation ne concerne pas le peuple tchadien.
Il n’apportera pas la paix dans notre pays. Il ne fera que diviser les Tchadiens. Ce sont les mêmes pratiques en vigueur depuis plus de trente années qui continueront.
« Les autorités actuelles de transition ont préparé ce référendum dans un gros mensonge d’État, le tout avec une machine bien huilée »
Les autorités actuelles de transition ont préparé ce référendum dans un gros mensonge d’État, le tout avec une machine bien huilée: la Commission Nationale chargée de l’Organisation du Référendum Constitutionnel (CONOREC), – qui est d’ailleurs une commission partisane -, le Conseil National de Transition (CNT), une chapelle remplie des émigrés économiques et des enfants des égouts et des caniveaux Paris…La liste n’est pas exhaustive. Ce n’est qu’un échantillon ! Et dans ces conditions, comment vouliez-vous que l’on cautionne des tromperies qui nous plongeront dans le triste dessein du maintien de Mahamat Kaka au pouvoir ? En clair, c’est un processus inique, irrégulier et illégitime. C’est pourquoi, nous exprimons notre désapprobation totale et prenons toutes nos responsabilités pour empêcher ce référendum.
Confidentiel Afrique :
A vous entendre, votre posture vis- à-vis du régime en place au Tchad sous la houlette du Président Mahamat Idriss DEBY ITNO » KAKA » demeure constante. Vous dites qu’il est dans une » chorégraphie théâtralisée bien planifiée, organisée pour des desseins boulimiques d’un clan « , en êtes- vous convaincu ?
Nasour Koursami, Président National du parti Les Patriotes :
Dire que Mahamat Idriss Déby n’a pas encore pris goût des lambris dorés du palais qu’a laissé son défunt-père relèverait de la pure folie verbale. Il est maintenu juste pour assurer les arrières des pillards patentés de la République – lesquels sont connus par le peuple, qui malheureusement, croule sous le poids de la misère indescriptible.
Des millions de nos compatriotes manquent d’eau, de carburant pour certains nantis, d’électricité, de soins de qualité, etc., pendant que des investissements inutiles sont ordonnés au gré de celui qui gère en ce moment le pays. De nombreux Tchadiens sont tenaillés par la faim, alors qu’une minorité amassent des ressources publiques pour les placer dans des paradis fiscaux. Ce sont des choses qui exacerbent la colère du peuple. Nous n’avons donc pas tort de les dénoncer.
Confidentiel Afrique :
Ce référendum se tient dans un contexte politique particulier avec le retour en grandes pompes et sur tapis rouge flamboyant de l’opposant Succès MASRA, qui était en exil depuis les événements d’octobre 2022. Est-ce un « deal souterrain » qui vise à promouvoir le système en place pour faire oublier la série de dérives sociales, physiques, financières et économiques perpétrées par le régime ?
Nasour Koursami, Président National du parti Les Patriotes :
L’accord entre Masra et le gouvernement de transition est un accord ou « arrangement clandestin » conclu souvent à huis clos, avec de nombreuses actions déplaisantes et douteuses dissimulées et enterrées dans le seul intérêt mutuel des signataires. Au cours de ces négociations secrètes, Masra a compromis son intégrité et a troqué
« Succès MASRA a compromis son intégrité et a troqué les rêves ainsi que toutes les promesses rhétoriques qu’il avait faites pour mener les Tchadiens vers la terre promise contre ses propres intérêts personnels »
les rêves ainsi que toutes les promesses rhétoriques qu’il avait faites pour mener les Tchadiens vers la terre promise contre ses propres intérêts personnels.
En retour, le gouvernement a trouvé un lieu de sépulture approprié pour tous les crimes commis contre le peuple tchadien. Dans la confidentialité naturellement implicite dans un tel accord clandestin, le gouvernement a amnistié les criminels du 20 octobre pour repartir à zéro.
Le retour de Masra et la tournée nationale qu’il effectue avec une couverture de sécurité totale, ainsi que la liberté inégalée dont il bénéficie pour organiser des réunions publiques, tandis que d’autres dirigeants politiques ne sont même pas autorisés à organiser une caravane explicative, laissent penser que leurs accords comportent des squelettes cachés, tels que la manipulation des processus électoraux ou l’échange de faveurs pouvant avoir des conséquences néfastes sur les principes démocratiques d’équité, de responsabilité et de justice. Ils font tout pour enterrer les aspects indésirables de l’accord en les cachant au public afin de maintenir une apparence de légitimité, mais cela n’est pas possible, car nous ne pouvons pas cacher cinq grosses V8 tout-terrain en plein jour pour convaincre les gens que cette tournée est basée sur des cotisations de membres dans un pays où le revenu par habitant ne dépasse pas un dollar par jour.
Confidentiel Afrique :
Quelle lecture faites- vous sur cette forte main mise dans le jeu d’influence politique tchadien par des puissances comme la France et les USA, qui restent les deux soupapes diplomatiques de NDjaména ?
Nasour Koursami, Président National du parti Les Patriotes : Le peuple tchadien constate avec étonnement la volonté de ces deux puissances de fermer les yeux sur cette confiscation anticonstitutionnelle du pouvoir qui est en train d’être mise à jour. Très honnêtement, je dirais que les raisons de ces deux puissances sont diverses, certains sont guidés au nom de l’intérêt économique et géopolitique, et d’autres sur une simple coopération bilatérale, mais l’intention reste la même. Toutefois, je tiens à leur rappeler que leurs intérêts ne sont pas forcément les nôtres et que nous ne voyons pas toujours ce qu’elles voient, donc l’intérêt mutuel nous impose de concilier ces différents intérêts. Que ces deux puissances soient conscientes que l’époque a changé.
« L’époque du soutien aux dictateurs qui ont la capacité de rester deux (2) à trois (3) décennies au pouvoir est révolue »
L’époque du soutien aux dictateurs qui ont la capacité de rester deux (2) à trois (3) décennies au pouvoir est révolue. Qu’elles jouent judicieusement leurs cartes avec le peuple pour ne pas être surprises. Un petit rappel historique est nécessaire ici pour toute la communauté internationale, en 1996, ils ont poussé à la constitution window-dressed avec toutes les imperfections et le trou sous le prétexte de la nécessité de démocratiser rapidement le Tchad. C’est sur cette constitution que feu Maréchal Idriss DÉBY ITNO dirigeait ce pays sans changement pendant plus de 3 décennies.
La question à un million de dollars est la suivante : comment la France peut-elle accepter, à notre époque, que le pouvoir puisse être hérité ? pourquoi ce qui n’est pas acceptable en France l’est-il au Tchad ? on peut ne pas avoir de réponse, mais nous savons tous qu’il n’est pas possible, à l’ère du panafricanisme, de s’engager avec des régimes autocratiques sous le prétexte de la stabilité et de la sécurité régionales, là où ils ont des intérêts.
Confidentiel Afrique:
Pensez-vous que Paris et Washington entendent donner « un chèque- blanc » tous azimuts au Président Mahamat Idriss DÉBY ITNO aux fins de légitimer et de consolider son assise ?
Nasour Koursami, Président National du parti Les Patriotes : Nous croyons fermement que le gouvernement de transition au Tchad est sous la tutelle de ces grandes puissances, en particulier les États-Unis et la France, qui sont les deux principaux pays ayant une influence considérable. Par conséquent, créer une position spéciale pour le Tchad en reliant des arguments de sécurité faibles risque de compromettre leur propre crédibilité en soutenant le transfert dynastique du pouvoir, montrant clairement l’hypocrisie et affaiblissant l’autorité morale pour promouvoir la démocratie à l’échelle mondiale.
Leur soutien inébranlable au gouvernement de transition au Tchad semble être basé sur des intérêts stratégiques à très court terme, ce qui pourrait certainement conduire à une instabilité à long terme, car un tel soutien aveugle peut alimenter le ressentiment et l’opposition, entraînant potentiellement des soulèvements populaires ou des conflits violents.
Notre conseil à ces deux pays partenaires est d’aligner leurs intérêts sur ceux du peuple et de soutenir ses aspirations à contribuer à l’établissement d’institutions démocratiques, à l’État de droit, et à la protection des droits fondamentaux de l’homme, même si un tel soutien semble parfois très risqué.
Propos recueillis par Ismael AÏDARA (Confidentiel Afrique)