Diome ou l’image qui «tue» !
N’allez pas chercher derrière les rideaux. C’est peine perdue ! Le numéro du faux comédien est loin d’être une invite au voyage. Les Muses n’ont pas visité les coulisses pour y répandre l’esprit créatif, insufflé aux vrais artistes, maîtres des planches.
Antoine Félix Diome est loin d’appartenir à cette catégorie d’hommes et de femmes qui a compris qu’incarner le pouvoir, c’est être constamment dans la représentation, c’est se glisser dans la peau du personnage et l’habiter. Malheureusement, il n’a pas goûté au bonheur de gratter le vernis de l’art politique. Celui qui transforme l’acteur politique en artiste travaillant sur sa propre toile, et sculptant sa propre statue[1].
Le ministre de l’intérieur nous a plutôt servi un numéro d’un air folâtre d’où s’exile toute inspiration fécondante, à l’occasion de la mise en œuvre du Plan d’organisation des secours (Orsec) déclenché à la suite des pluies diluviennes enregistrées dans la banlieue dakaroise.
L’image d’un Antoine Diome, trempé avec son costume dans les eaux des inondations de la banlieue de Dakar, a arraché le sourire de nombreux Sénégalais. Elle a fait le tour de la toile, en alimentant des commentaires parfois sarcastiques. L’image a même inspiré le travail de certains reporters qui ont sollicité le décryptage des experts en communication.
Mais ceux qui veulent voir derrière cette image de Diome une opération de communication politique, se mettent sur une mauvaise piste. Mouillé jusqu’aux jambes, il avait plutôt l’air perdu. Nous pouvons même parier sur le caractère spontané de son acte, dépourvu de tout calcul politicien en direction d’une population sinistrée qui a fini d’apostropher ses bourreaux: les tenants du pouvoir.
La colère des victimes des inondations a sûrement «produit» cette image. Sous les huées et les injures, le ministre a semblé céder à la panique. Peut-être qu’il a frôlé le pire.
L’image d’un Félix Antoine Diome tenu par le bras (par son garde-corps), sous l’aile protectrice de l’agent de l’administration territoriale, montre, à suffisance, que l’autorité avait besoin de béquilles pour tenir sur ses jambes engourdies.
Et que vient faire sa main gauche sur le bas-ventre, posée sur le bouton de sa veste ? Le geste nous renseigne sur le climat mental de Diome qui semble perturbé. Le bas-ventre est le siège des pensées parasites, qui prennent la forme d’une spéculation, d’une appréhension, d’un sentiment d’échec, d’une crainte irrationnelle, d’un sentiment de culpabilité sans fondement[2]
Quand des jeunes bloquent le passage, sur l’autoroute à péage au point d’obliger Diome et son convoi à contourner l’obstacle pour poursuivre sa tournée. Quand la même autorité, à Affia 5, localité située à Yeumbeul Sud, est accueillie par des manifestants arborant des brassards rouges, avec parfois à la bouche des injures qui vous touchent au plus profond de votre être. Quand de Tivaoune Diacksao à Keur Massar, en passant par Yeumbeul…, des foules expriment leur colère, il est alors probable que le jeune ministre soit dépassé par les évènements. Et le fait de se jeter à l’eau traduit ce climat mental perturbé à presque 70°.
Prendre le chemin de l’eau – ou se jeter à l’eau – n’est-ce pas une manière, inconsciente, certes, de se purifier, de se laver de toute cette souillure causée par les insanités proférées par une population en colère à l’endroit d’un ministre, à la fois bourreau et victime d’une gouvernance basée parfois sur le mensonge ?
Le retour du bâton traduit hélas, de façon violente, les espoirs trahis et les rêves brisés d’une population longtemps maintenue dans les chaînes de l’ignorance. Diome l’a appris à ses dépens.
Bacary Domingo MANE
[1] Shwartzenberg, Roger-Gérard : L’Etat spectacle, essai sur et contre le star système en Flammarion, 1977politique, ed. Flammarion, 1977
[2] Messinger, Joseph : Le langage des gestes pour les nuls, Broché, 14 mai 2009