Pour une conversion du regard sur la pandémie de Covid 19
Par Diama BADIANE
Une pandémie, personne ne le souhaite, mais elle est bien là. Elle a son impact et jusque-là personne n’a réussi, comme on a l’habitude de le dire, à briser sa chaine de contamination. Elle continue sa furie dévastatrice en multipliant ses victimes tout en diversifiant ses formes. Elle a mis au chaos presque l’humanité surtout sur le plan économique. Elle est vue comme la peste ou même pire car elle est apparue à un moment où l’homme, par orgueil, pensait avoir une maitrise des choses ou sur la nature. On le voit comme le négatif, comme le mal. Mais, justement le mal n’est jamais absolument un mal, ni le négatif totalement négatif. Ce qui doit nous pousser à chercher la partie positive de la covid-19.
Essayons de voir le bon côté des choses par une conversion du regard. Il faut changer de paradigme ou changer l’angle sous lequel on observe la covid-19. On a assez constaté l’arrêt qu’elle a produit dans presque tous les secteurs de l’existence humaine. Pourtant, il faut bien reconnaitre que le numérique, même s’il est dans une large mesure un secteur tueur d’emploi, est en train de révolutionner le monde par un bond spectaculaire de progrès. En effet il faut que le monde avance, et le monde avance justement. Nous sommes déjà embarqués dans un monde en perpétuel changement ou tout est en mouvement. L’essentiel, c’est de s’adapter. C’est un impératif de vie et de survie. La covid-19 peut être perçue comme un élément catalyseur, un choc, qui en nous montrant nos limites par le bouleversement qu’elle a introduit dans le monde, nous a, en même temps, poussés à redéfinir nos rapports interindividuels et à changer nos manières d’être, de vivre sur plusieurs plans. Ainsi, quel est l’impact de la covid-19 sur la marche du monde ? La covid-19 n’est-elle pas en train d’accélérer la révolution numérique à l’échelle mondiale ? Une telle révolution n’est-elle pas une opportunité ou un prétexte permettant à l’humanité, à l’Afrique ou au Sénégal d’avancer ?
L’objectif n’est plus de revenir à la « normalité » de ce que l’on vivait en 2019. L’humanité ne peut pas marquer le pas : sa marche vers l’évolution sans relâche est une nécessité. Certes, on est secoué, mais tout de même on s’adapte. La pandémie a montré que les pays se sont le plus souvent rabattus sur la technologie qui est devenue une bonne alternative aussi bien sur le plan économique, éducatif, sanitaire, social et politique.
Sur le plan économique, des plateformes financières ont facilité les échanges entre les personnes. Aujourd’hui, on tend, de plus en plus, vers un monde virtuel de la monnaie avec la crypto-monnaie, le Bitcoin par exemple. Au Sénégal, nous avons vu une forte utilisation des réseaux de transfert d’argent. Un tel contexte nous permet de limiter non seulement les déplacements et les risques liés aux méfaits de certaines interactions humaines. Une limitation des déplacements réduit forcément le taux d’émission de gaz carbonique et de gaz à effet de serre. Ainsi, on va de plus en plus dans un monde du mobile où sur place on paie les factures, les abonnements… et en même temps vers un monde plus sain. Il nous faut booster notre économie en mettant les moyens qu’il faut. La covid-19 doit être un prétexte pour faire un grand bond en avant. Dans certaines conditions, elle peut nous épargner les méfaits de l’interaction humaine grâce aux outils disponibles qui offrent plusieurs possibilités. Elle nous aide à ouvrir les yeux et à être plus vigilants et prudents. Ayant plus de temps, on produit plus et l’esprit de créativité s’installe et se développe. Cette créativité apparaît dans la création de masques, de robots et d’applications comme pour dire que l’étonnement est le père de toute invention.
Sur le plan éducatif, il faut reconnaître que dans un monde avancé et qui aspire au développement, le numérique doit être impérativement au cœur des activités quelles qu’elles soient. Sur ce, elle a ouvert nos yeux sur la nécessité de prendre en compte les enseignements-apprentissages à distance ou en ligne également appelés aussi le e-learning. Il fut un temps où, au Sénégal, on s’interrogeait sur la pertinence de l’Université virtuelle. C’était normal, en raison de sa nouveauté pour la population mais l’heure est à innover pour une meilleure appropriation. Cela faisait montre d’une certaine adaptation de la part de l’État face au nombre d’étudiants qui dépassait massivement la capacité d’accueil de nos universités. Pourtant avec la pandémie de la covid19, la pertinence n’est plus à démontrer. Sur presque toutes les plateformes télévisées, les réseaux sociaux et même d’autres plateformes qui ont été conçues à cet égard comme google-meet, zoom, Microsoft-team, etc., nous voyons des cours allant de l’école primaire au lycée en passant par le moyen et sur toutes les matières. Cet aspect non moins important, est un élément explicatif ou encore faudrait-il le rappeler, il ne s’agit que la vision pré-covid-19 pourtant qui insistait sur l’outil numérique à l’échelle nationale comme les projets Planet, ou Paecca ou le projet « un étudiant un ordinateur » qui s’est pourtant réalisé à l’UVS. Et de ce fait, il s’agit de tourner le regard vers les zones les plus enclavées du pays afin de s’adapter à des situations de pandémie ou de catastrophes naturelles. La vulgarisation du télétravail surtout avec les visioconférences ont été d’une importance capitale.
Sur le plan sanitaire, ce virus nous a permis de réhausser le plateau médical du Sénégal. En effet, la covid-19 nous a révélé le déficit en personnel de santé, ce qui a boosté le recrutement, la formation dans le secteur, l’amélioration du plateau technique, en plus des prémices dans le domaine de la télé consultation.
Sur le plan social la covid-19 peut renforcer les liens familiaux qui vacillaient. Sur ce plan la situation peut suivre deux courbes différentes. Si certaines familles ont pu se délecter de cette proximité pendant le confinement, d’autres par contre en ont souffert. De même un élan de solidarité s’est installé, mais aussi la peur de l’autre s’est fait ressentir.
En effet, souvent la famille s’éclate le matin et chaque membre emprunte sa voie et s’occupe de ses activités propres. Le père revient tard et se lève tôt ; dans certains cas, il ne voit pas tous ses enfants en même temps. La mère, active dehors ou s’occupant des tâches de la maison, a du mal à voir tous les membres de la famille réunis autour d’elle. Certains ont l’habitude de sortir dîner à l’extérieur ou de sortir après le dîner. Cette représentation laisse entendre que dans ce que nous considérons être normal, nous retrouvons une certaine anormalité dans la mesure où la famille ne se réunit pas très souvent. Cette situation est quelque part responsable de la dislocation de la cellule familiale.
Avec la covid-19, certaines mesures sont tellement contraignantes que sortir est pratiquement impensable. Donc, les membres de la famille sont tenus de passer du temps ensemble, se frotter les uns aux autres, communier. Cette situation peut être source de mieux être. Toutefois, si elle est bien exploitée, elle peut aider à remembrer la famille, à raffermir les liens ou relations familiales. Limiter les sorties, c’est aussi une occasion pour réduire les dépenses et créer, par le contact, cette affinité qui a tendance à disparaître dans les cercles familiaux.
Sur le plan politique les nations, dans l’immédiat, ont su mettre au point avec courage des stratégies en vue d’endiguer la propagation de cette pandémie et de faire face aux effets inverses. Ceci allant du confinement à la réquisition du personnel et des structures de santé, des forces de sécurité et à l’arrêt forcé des activités non essentielles. Mais aussi la mise en place d’aide financière extra-budgétaire aux différents impactés est à saluer. En un moment nous avons vu une conscience patriotique renaitre chez les citoyens. Ni l’opposition, ni la société civile n’ont ménagé d’efforts pour venir en aide les populations. Seulement l’essentiel est dans le long terme. Nous pays sous-développés devrons en tirer un bilan et d’en retenir une leçon : la politique est au début et à la fin de tout développement. Une bonne politique est le fondement qui sous-tend tout progrès social, éducatif et économique.
La lecture que nous proposons consiste à voir que cette pandémie, un mal dans sa manifestation, peut être porteur de bien. Ce bien, c’est, comme l’a enseigné Darwin, l’intelligence dont nous sommes dépositaires et qui nous permet de nous adapter. La force de l’humain est d’exploiter les problèmes, de retourner les situations à son profit : si nous devons répondre du nom d’humain, alors nous devrons nous adapter et évoluer.
Madame Diama Badiane