Feu vert pour le plan de relance économique et le budget européen, un accord historique
Après quatre jours et quatre nuits de discussions et de tensions, les 27 sont finalement tombés d’accord. Ils ont accouché des modalités d’un plan de relance économique d’un montant de 750 milliards d’euros qui sera basé sur une dette commune, une première dans l’histoire de l’union européenne.
« C’est un bon accord, un accord solide et, surtout, le bon accord pour l’Europe en ce moment » a déclaré Charles Michel, président du conseil européen.
« Nous avons fait un pas historique dont nous pouvons tous être fiers, mais un autre pas nous attend. Avant tout, nous devons maintenant travailler avec le Parlement européen pour obtenir son assentiment, nous avons beaucoup de travail devant nous, mais c’est un grand pas en avant vers la reprise » a expliqué Ursula Von Der Leyen, présidente de la commission européenne.
C’était l’un des sommets les plus long de l’histoire et il a été le théâtre d’une bataille acharnée entre les pays « frugaux » et le couple franco-allemand. Destiné à gérer l’impact de la crise déclenchée par l’épidémie de Covid-19, ce plan de financement était incontournable. Et même si pour arriver à cet accord Berlin et Paris ont dû revoir leurs ambitions à la baisse, Emmanuel Macron est satisfait :
« On a réussi à changer une chose fondamentale à cette occasion, ensemble sur la base de notre initiative, qui est d’emprunter en commun et d’avoir des vrais mécanismes de transfert et de solidarité budgétaire qui n’existaient pas avant. Je crois que c’était cette bataille la plus importante, mais je veux souligner que cela n’a été possible parce que nous avons accepté de financer cela ».
Au final, la France devrait toucher de 35 à 40 milliards d’euros de subventions. L’Italie et l’Espagne, futurs principaux bénéficiaires, toucheraient quelque 60 milliards d’euros dans le cadre du plan de relance.
Les « frugaux » n’ont pas obtenu de droit de veto mais une forme de contrôle des plans nationaux de relance par le Conseil européen à la majorité qualifiée et des rabais sur la contribution au budget européen qui a été voté : près de 1 074 milliards d’euros sur la période 2021-2027. C’est moins qu’espéraient par la commission et le parlement européen.
Les principaux points selon le texte de conclusions du sommet
Financement par l’emprunt
Le fonds de relance de l’UE de 750 milliards d’euros (tous les montants sont indiqués en prix constants 2018, sauf indication contraire) sera financé par un emprunt réalisé par la Commission européenne au nom du bloc, un dispositif inédit.
Ce pouvoir accordé à l’exécutif européen est « limité en taille et en durée ». Le remboursement devra se faire d’ici 2058 au plus tard.
Prêts et subventions
Sur ce volume total, 390 milliards d’euros seront redistribués aux Etats membres via des subventions, et 360 milliards via des prêts (remboursables, donc).
Le cœur du fonds de relance sera consacré au financement des programmes de réformes et d’investissements préparés par les Etats membres (312,5 milliards de subventions).
70% des subventions prévues pour ces programmes nationaux de relance seront alloués en 2021-2022, selon des critères de « résilience » (population, taux de chômage sur les 5 dernières années notamment).
Les 30% restant le seront en 2023, en prenant en compte la perte de PIB sur la période 2020-2021, conséquence directe de la crise du coronavirus.
Le reste du fonds de relance est dédié à divers programmes gérés par l’UE, comme la recherche (5 milliards), le développement rural (7,5 milliards) ou le Fonds de transition juste (10 milliards) consacré au soutien des régions les plus en retard dans la transition énergétique.
Mécanisme de garantie
Les programmes nationaux de relance seront évalués par la Commission, puis validés à la majorité qualifiée des 27 (55% des pays et 65% de la population).
Un « frein d’urgence » a toutefois été introduit. Ce dispositif permet à un ou plusieurs Etats membres, qui considèrent que les objectifs fixés dans ces programmes de réformes ne sont pas atteints, de demander que le dossier soit étudié lors d’un sommet européen.
Respect de l’Etat de droit
Les conclusions soulignent « l’importance de la protection des intérêts financiers » de l’UE et du « respect de l’Etat de droit ».
Sera donc introduit un « régime de conditionnalité ». « Dans ce contexte, la Commission proposera des mesures en cas de violations », qui seront adoptées à la majorité qualifiée.
Hongrie et Pologne, dont les gouvernements sont dans le collimateur de Bruxelles pour leur attitude vis à vis de la liberté des médias ou de l’indépendance de la justice, ont bataillé dur pour édulcorer ces dispositions.
Dépenses pour le climat
Les dépenses de l’UE devront être en ligne avec l’Accord de Paris sur le climat.
Le bloc se fixe l’objectif de consacrer 30% des dépenses à la lutte contre le changement climatique. Le budget pluriannuel, comme le fonds de relance, devront « se conformer » à l’objectif de neutralité climatique de 2050 et aux objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 2030.
1 074 milliards d’euros de budget
Ce budget comprend une « réserve » spéciale de 5 milliards d’euros pour aider les pays et secteurs les plus affectés par le Brexit.
Il inclut aussi des mesures de flexibilité pour la politique de cohésion (soutien aux régions les moins développées) et la politique agricole commune (PAC), afin que les Etats puissent ajouter au financement de ces deux politiques historiques de l’UE.
La politique de cohésion est doté de 330,2 milliards d’euros et la PAC de 336,4 milliards (258,6 milliards pour les paiements directs et 77,8 milliards pour le développement rural). Les deux sont complétées par des allocations au sein du plan de relance.
La France s’est félicitée d’avoir « sécurisé » le budget de la PAC.
De nouvelles ressources propres
Afin d’aider au remboursement de l’emprunt de la relance, l’UE va se doter de nouvelles sources de revenus.
La première étape sera la création d’une taxe sur le plastique non-recyclé début 2021.
La Commission est chargée de présenter une proposition pour un « mécanisme carbone d’ajustement aux frontières » (qui renchérirait les produits importés fabriqués selon un processus très polluant), ainsi que pour une taxe sur les géants du numérique, afin de les introduire « au plus tard » début 2023.
Enfin, il est demandé à la Commission de réfléchir à une nouvelle réforme du marché du carbone, sans date précise.
Des rabais en hausse
Malgré l’insistance de nombreuses capitales, dont Paris, les rabais, accordés aux pays qui jugent leur contribution au budget disproportionnée par rapport à ce qu’ils reçoivent, sont maintenus et même relevés.
Parmi les pays bénéficiant de ces corrections: les quatre « frugaux », qui ont été les plus intransigeants sur la création du fonds de relance.
Le rabais sur leur contribution totale au prochain budget de l’UE (2021-2027) se monte à 377 millions (prix constants 2020) pour le Danemark, soit une hausse de 91% par rapport à ce qui était prévu avant le sommet, 1,92 milliard pour les Pays-Bas (+22%), 565 millions pour l’Autriche (+138%) et 1,07 milliard pour la Suède (+34%). Le rabais accordé à l’Allemagne, de 3,67 milliard, n’a pas évolué avec la négociation. euronews