QUAND LE COVID-19 NOUS MET DEVANT NOTRE IRRESPONSABILITÉ DE CITOYEN
Par Mamadou Ciré SY, professeur de philosophie
La situation, jadis prévisible, est plus que jamais préoccupante. La souffrance des populations est indescriptiblement lamentable. Partout, ce sont des conflits et des violences physiques ou psychologiques constatés. La faiblesse, l’incompétence et l’apatridie de nos gouvernants sont tendanciellement et ostensiblement arrivées à leur paroxysme.
Nos autorités, insoucieuses et irrévérencieuses, signent inopportunément des arrêtés et décrets qui amplifient l’exaspération des populations déjà meurtries. En cette période de pandémie et de crises multiformes où les efforts devaient être consentis dans la synergie pour endiguer l’ennemi commun, nos autorités se permettent de promouvoir des personnes déjà éculées pour avoir depuis longtemps joui des strapontins et autres avantages politiques indus de l’Etat. D’autres, bien placées, car étant apparentées ou affiliées au despote, concoctent des marchés de gré à gré sous prétexte fallacieux qu’elles distribuent des vivres à des populations déshéritées.
Ce décret sur l’hononariat est signé au moment où les signaux économiques sont au rouge. Tous les secteurs générateurs de revenus formels comme informels sont en train de péricliter lamentablement dans le mépris et l’insouciance de ceux qui sont sensés nous prémunir de tous les dangers. Un chef d’État doit avoir, à l’égard de ses administrés, la compassion et l’empathie du père sur son fils.
La situation dans laquelle l’école sénégalaise se trouve aujourd’hui est le résultat d’une politique éducative lâche où on subodore une conspiration de goujats et de malotrus contre une corporation dont le désaveu et la désacralisation conduisent inévitablement à la faillite de tout un peuple. Une des preuves que les enseignants sont le cadet des soucis de nos autorités, c’est avant hier avec les conditions regrettables de leur convoyage. Ils ont été attroupés et agglutinés tels des daurades, ou des badèches ou des sardines. Aujourd’hui ils sont victimes de toutes les formes de stigmatisation et délation les plus inhumaines. Dans beaucoup de contrées où ils ont débarqué, ils sont affublés de surnoms et autres pseudonymes du genre « ENSEIGNANT CORONA ». Certaines populations lâches et pitoyables adhèrent à la diabolisation sociale ou étatique programmée.
Loin de moi le sentiment de faire l’apologie de la violence et des saccages organisés. Cependant, ce qui s’est passé à Touba, à Tamba, à Tivaouane ou ailleurs est loin d’être le fruit d’un manque d’éducation ou de discipline, mais c’est juste une attitude normale, car humaine. Obéir à la violence physique est un acte de nécessité, mais obéir à une violence illégitime et sournoise est un acte de lâcheté. À une loi injuste nul n’est sensé obéir. L’homme est né avec la conation ou le conatus pour parler comme Spinoza, c’est-à-dire l’instinct de conservation ou le » vouloir vivre » chez Schopenhauer. On pourrait consentir justement à l’idée de se confiner chez soi pour ne pas choper le virus, mais si ce confinement risque d’aboutir à la mort par défaut de provisions, de denrées et autres produits nécessaires à la survie, aucun homme ne resterait inactivement chez lui dans la faim. Cela n’est pas le fruit de l’indiscipline ou celui d’une carence d’éducation. Les populations de Touba, fervents mourides, sont instruits, éduqués et travailleurs. Le problème, c’est qu’on ne peut pas continuer à se soumettre à des mesures sporadiques, ou à des règles sectorielles qui briment une majorité et coiffent dans le sens des poils une minorié.
Chaque jour que Dieu fait nous voyons des gens qui quittent Dakar, la capitale et non moins épicentre de la pandémie et d’autres qui y entrent en violation des mesures restrictives de la circulation interurbaine. Certains agents assermentés dévolus à la sécurité routière laissent passer moyennant quelques sous.
Quant à la prochaine date de réouverture des classes, c’est le cafouillage et le tohu-bohu. Personne, aujourd’hui, ne peut se prononcer de façon nette et objective sur l’ultime date où les potaches doivent retourner à l’école. Est-ce une gouvernance ou un pilotage à vue?
Pour un État sérieux, répondant aux normes et principes de la rationalité tels que théorisés par les éminents philosophes comme Montesquieu, John Locke, Rousseau ou Hegel, pour ne citer que ceux-là, sen est un.
Mamadou Ciré SY, professeur de philosophie au lycée CALD/MBOUR.