COVID-19 : LA FIN D’UN MATCH.
Par Aliou DIAO
M’engager à réfléchir sur une telle maladie tellurique ne demeure pas moins chose aisée pour moi, et ça, pour des raisons évidentes. Si ce n’est pas le fait que beaucoup m’ont déjà précédé dans cette voix, c’est mon non familiarité avec le domaine sanitaire et les limitent de ma formation sociologique et philosophe qui ne me rend pas facile de donner mon avis sur cette crise. Toutefois, il est souhaitable pour tout intellectuel de donner des pistes de réflexions sur des sujets qui bouleversent l’ordre social afin de contribuer à la compréhension de ce qui se passe et bien entendu à sa résolution. Et ce comportement responsable découle du moral que l’intellectuel éprouve pour sa société. Donc pour paraphraser Hugo, je dis malheur à ceux qui se taisent pendant que la société est menacée, d’où l’engagement de cette grande entreprise.
- Un hôte imprévu.
Cette maladie à corona virus, n’est plus à présenter à qui que ce soit sur cette planète. Après des mois d’existence dans les pays d’Europe et d’Asie avant d’atterrir sur le territoire africain, cette maladie mérite une profonde réflexion. En effet, l’homme étant le seul animal doté de raison, et est par conséquent tenu de réfléchir sur les questions qui l’interpellent tout en essayant d’apporter des remèdes. C’est sans nul doute que nous essayerons de savoir le pourquoi de la présence de cette maladie dans le monde. En réponse me dira peut-être un croyant que c’est « une force divine » qui vient de frapper au monde tout entier. Alors nous aborderons cette question de la même démarche que si c’était le sociologue ou le philosophe, tenterait d’apporter des réponses, mais avec des approches similaires.
Ainsi, l’envie d’aller au-delà de la religion tient compte de la nécessité de donner une explication rationnelle à la crise, donc ce n’est pas seulement pour les non croyants. Car face à une situation donnée, de la même manière que le sociologue et le philosophe aborderaient la question, de la même façon que le non spécialiste doit l’aborder également. Si l’homme est doté de raison, et est capable de réfléchir, donc nous pouvons dire qu’il est un concepteur des choses et des situations, et cela, sur l’aspect le plus profond contrairement comme le pense, un profane des idées. Sous ce rapport, nous donnerons raison à Schopenhauer2 qui dit : « l’homme est un animal conceptuel ». Alors la présence de cette pandémie est loin d’être un malheur mais un arbitre qui vient donner le coup de sifflet de la fin de la première partie du match. Autrement dit une nouvelle donne vient d’annoncer son épilogue par le biais de cette pandémie. C’est une nouvelle histoire, qui commence afin de revoir et de remettre tout dans l’ordre normal des choses. En effet, il ne faut pas être trop naïf pour penser que les choses s’imposent à nous comme nous l’avons toujours souhaité. Donc à ce niveau on peut dire que les crises sont inévitables pour la bonne marche du monde. D’ailleurs dans ce sens, sans ambivalence, que je donne raison à Christian Singer [1] dans son ouvrage intitulé, Du bon usage des crises, lorsqu’il dit :
« L’insignifiance et la futilité qui règnent en maitre barrent l’accès au réel et à la profondeur. Ainsi ai-je gagné la certitude pour nous éviter le pire. Et ya-t-il de pire que d’avoir traversé la vie sans houle et sans naufrage, d’être resté à la surface des choses, d’avoir dansé tout une vie au bal des ombres ? ».
A ce niveau, nous pouvons confirmer que Singer nous a devancé sur la question de l’usage des crises mais également leur présence, si l’on en croire ses propos sus mentionnés.
- L’ETAT : UN SPECTATEUR PRESENT
Tous les pays touchés par le covid-19, leurs gouvernements n’ont pas manqué de réagir à la lutte contre le virus. Dans un premier temps, tous les pays à l’unanimité, sont tombés d’accord sur le principe du confinement, en respectant les mesures d’hygiènes édictées par les autorités sanitaires. Ainsi, persistant de causer des dégâts, avec l’augmentation rapide du nombre de décès en Italie après la chine et plus tard l’Espagne, les chefs d’Etats passent de l’état d’urgence au confinement. Ce qui provoque l’arrêt total des activités humaines. Par conséquent, le besoin de survie ne nous permettrait pas de rester dans ces conditions où il n’y aura pas d’activités génératrices de revenus. C’est fort de ce constat que l’Etat du Sénégal a pris la peine de prendre des mesures d’aide à la sécurité alimentaire. On se rappelle en début de crise que le président Macky sall, est doté de tous les pouvoirs sous prétexte de mieux gérer la crise.
Peut-être qu’il n’est pas étonnant que je suis le moins informé, la manière de Macky Sall gérait le pays, avec l’augmentation spontanée du coup d’électricité. Sous cet angle, y a nul besoin de se demander, si le gouvernement éprouve un besoin de sentiment de pitié à l’égard de la population ou non. Bien sûr sans aucune ambivalence, la réponse est non. De « l’indépendance » à nos jours les gouvernements qui ont précédé, ont toujours tenu des discours affichant nettement leur besoin de se maintenir d’avantage au fauteuil de la République. A ce niveau, nous pouvons dire que ces états de fait cités plus hauts relèvent effectivement de l’injustice que comportent ces présidents-là. On entend souvent des propos comme « une fois n’est pas coutume » oui, mais on dit souvent aussi que la répétition est pédagogique. Donc celui qui a toujours utilisé l’injustice comme moyen de gouvernance, ce n’est pas évident même en période de crise qu’il change de casquette. Les populations ont tant souffert, en subissant l’injustice qu’aucun président n’accepterait de subir s’il était à la place du peuple. Peut-être qu’ils n’ont pas écouté Planton4 en ces termes : « l’injustice, mieux vaut la subir que de la commettre », ce que n’accepteraient les présidents.
Distribuer des vivres c’est bien mais le gouvernement n’a pas manqué de savoir les voies et moyens plus efficaces pour que les nécessiteux bénéficient de l’aide. Mais certainement ces solutions efficaces ne les arrangent pas, donc c’est à boycotter.
Cependant, des philosophes n’ont pas manqué de démystifier le caractère hypocrite de l’Etat. Ainsi, Nietzche avait raison de dire que l’Etat n’a pas d’ami, n’a que des intérêts :
« L’homme est un monstre froid qui ment froidement lorsqu’il dit moi l’Etat je suis le peuple. Il ment. ».
Autrement dit l’Etat n’agit qu’en fonction de ce que lui arrange et le reste il s’en fou. La preuve est qu’en cette période de crise tous les dons ou aides fournis par l’état sont médiatisés. C’est ici que le courage de Pape Djibril fall, mérite d’être salué quand lors d’une émission télévisée à la TFM (télévision futur média), s’adressant au peuple sénégalais, disait : « demandez plus parce que nous tendons vers un horizon incertain ».
Pape Djibril réveille le peuple tout en lui faisant savoir que ces « aides là » ce sont les siens, d’où les propos suivants : « buufi Ken taccul ken[2] », expressions wolof qui signifient que personne n’applaudit personne, le gouvernement n’a fait que ce qui lui revient de droit.
- L’Afrique post pandémie
« Rester chez vous ». Une formule simple à prononcer mais pleine de sens. En outre, nous parlons de la fin d’une partie de l’histoire et non la fin d’une histoire comme l’a abordée mon ami et frère, Moctarou Baldé[3] dans, son article publié, in, monde Afrique, intitulé, « La pandémie du Covid-19: Une dialectique du maitre et de l’esclave ». D’où l’usage de notre métaphore « la fin d’un match ».
Force est de constater que vu l’état actuel des choses, chaque pays s’est replié sur lui-même. D’ailleurs, la décision du confinement de la région de Wuhan, a provoqué l’arrêt brutal de la production du nombre de sous-traitants d’industries occidentales et une désorganisation des chaines de valeurs associées.
Pendant longtemps, les choses avaient mal tourné pour l’Afrique, tant le sur le plan économique et politique. Alors ce match tant joué tend à connaitre son épilogue. C’est la raison pour laquelle, que même si covid-19, a mal tourné pour les uns, mais elle ne demeure pas un bonheur pour les autres. Ainsi des études menées nous révèlent que depuis les années 1950, l’aide au développement qui vise à générer la croissance économique et à réduire la pauvreté, n’a guère évolué7C’est effectivement parce que cela découle d’une mal répartition des parts. C’est sans doute, que sous ce rapport s’installe la pandémie pour ouvrir une nouvelle page.
Cependant, un rebondissement de l’Afrique peut être envisageable avec la mise à genou des géants économiques du monde. Aujourd’hui, toutes les grandes puissances économiques sont submergées par le coivid-19. C’est dire ainsi que l’hégémonie exercée sur l’Afrique des siècles durant, par les occidentaux, connaitra un bouleversement sans précédent, après la crise, si toutefois les africains croient fermement en eux. Car la crise actuelle l’a démontré avec les tendances exprimées quotidiennement.
A coup sûr, l’alerte de la liberté tant chanté vient de sonner. Du coup, ce renversement du spectacle à tout point de vue, semble traduire la formule Hégélienne : « dialectique du maitre et de l’esclave » mais cette fois ci sous une autre forme, dont le maitre est l’Europe et l’esclave l’Afrique. Tout comme Hegel9, ce penseur à l’époque peu connu du public français, faisait de l’histoire le fruit de la liberté. Selon ce penseur, c’est la raison qui domine le monde et elle est la matière même de l’histoire du monde. Donc il incombe aux africains d’user leur raison afin de rédiger leur histoire.
En fin, terminer sans citer Nelson Mandela, ce serait simplement un manque de respect à cet éminent héros qui s’est donné corps et âme pour la liberté de l’Afrique. C’est pourquoi il disait dans son ouvrage intitulé, un long chemin vers la liberté à la page 2, « le caractère se mesure dans les situations difficiles, un héros ne se plie pas, même dans les circonstances les plus dures[4] ». Il nous indique et nous édifie également le comportement que chacun de nous doit adopter pour sortir des situations difficiles à gérer comme celles que nous vivons présentement.
Mes chers compatriotes africains, plus particulièrement les dirigeants, gardez espoir que l’Afrique peut bel et bien sortir du gouffre qu’elle vive actuellement, et cela pendant plusieurs années. Mais ce pari ne sera réussi que s’il y’a une conjugaison du patriotisme et un courage ardent du discours que vous tiendrez face aux « maitres ».
Bibliographie
- Nelson Mandela un long chemin vers la liberté, p.2, le 11décembre 1996, par Jean Guiloineau.
- Hegel, la raison de l’histoire, Paris rue Garancière, Editions Seuil, union générale d’éditions8.
- Santayana Devarjan dans, Revue d’économie du développement en 2015(vol23), p. 5 à 42
- Moctarou baldé « La pandémie du covid-19 : une nouvelle dialectique du maitre et de l’esclave »in monde Afrique, 2020.
- Francis Fukuyama, la fin de l’histoire et le dernier homme, trad., D. Canal, Flammarion, Paris 1992
- France 24, discours d’E. Macron du 14 avril 2020.
Par Monsieur Aliou DIAO
[1] Singer est née à Marseille en 1943 et décédée le 04 avril 2007en Autriche, à 64 ans est une écrivaine, essayiste et romancière française, dans son livre, intitulé, Du bon usage des crises, publié en 1994.
[2] C’est-à-dire que personne ne doit applaudir au président du fait qu’il distribue les vivres, pape note que c’est l’argent du contribuable sénégalais qui redonner au peuple.
[3] Moctarou BALDE, « le covid-19 : une dialectique du maitre et de l’esclave, mondeafrik.com, Mars 2020.
est un doctorant au département de philosophie à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar
[4] Mandela homme politique africain, nationalité sud-africain, qui combattait l’apartheid