PRIMAIRES DEMOCRATES: Biden prend une avance déterminante sur Sanders et lui tend la main
L’ancien vice-président de Barack Obama a largement remporté au moins quatre des six États en jeu lors de ce « mini-Super Tuesday », ce mardi 10 mars. Les résultats de l’Idaho, du Dakota du Nord et de l’Etat de Washington sont encore attendus. Joe Biden a tendu la main à son adversaire Bernie Sanders pour battre « ensemble » Donald Trump lors de la présidentielle de novembre.
C’était le « big prize », le « gros lot ». En remportant ce mardi la primaire démocrate dans le Michigan, Joe Biden a infligé un revers majeur à son rival Bernie Sanders. C’est dans cet État industriel du Midwest des États-Unis que le sénateur « socialiste » du Vermont s’était imposé lors des primaires de 2016 face à Hillary Clinton. En raflant cet État, Joe Biden montre aussi qu’il peut rallier le vote ouvrier, alors qu’il est déjà majoritaire dans l’électorat afro-américain, souligne notre correspondante à Washington, Anne Corpet.
L’ancien vice-président arrive aussi largement en tête dans l’Idaho, le Missouri et le Mississippi. Bernie Sanders remporte le Dakota du Nord et se trouve en ballottage favorable dans l’État de Washington, selon des résultats partiels. Cependant, le sénateur socialiste Bernie Sanders risque d’avoir du mal à se remettre de ces défaites et à rester dans la course.
« Le retour de l’âme » de l’Amérique
Joe Biden a tendu la main à son rival dans un discours assez sobre depuis Philadelphie : « Je tiens à remercier Bernie Sanders et ses partisans pour leur inlassable énergie et leur passion. Nous avons le même but et ensemble, nous battrons Donald Trump. » Avec cette déclaration, Joe Biden se place d’emblée en candidat investi, prêt à mener seul la bataille face au président.
L’ancien bras droit de Barack Obama s’est gardé de tout triomphalisme. « On dirait que l’on va passer une nouvelle bonne nuit », a simplement commenté Joe Biden, qui avait déjà engrangé une première série de victoires dans 10 des 14 États en jeu lors du « Super Tuesday » le 4 mars.
« C’est plus qu’un retour de notre campagne, c’est le retour de l’âme de cette nation, a-t-il encore déclaré. Cette campagne décolle et je pense que nous allons continuer à réussir à partir de maintenant. Mais ne prenez rien pour acquis. Nous devons emporter chaque vote dans chaque État. »
Ralliements de tous les modérés
Joe Biden a souligné tous les ralliements des anciens cadidats modérés dont il a bénéficié. « Au cours de cette seule semaine, tant d’anciens concurrents incroyablement talentueux se sont ralliés à moi : le maire Pete Buttigieg, Amy Klobuchar, Beto O Rourke, Mike Bloomberg, Cory Booker et Kamala Harris. Ensemble, nous rassemblons ce parti. C’est ce que nous devons faire. Ce soir nous sommes un peu plus près de restaurer la décence, la dignité et l’honneur à la Maison Blanche. »
Reprenant le crédo qu’il martèle depuis son entrée en lice, ce vétéran de la vie politique, de 77 ans, a estimé que l’élection se jouerait sur des valeurs. « Nous avons besoin d’un leader présidentiel honnête, confiant, digne de confiance et stable. D’un leader rassurant », a encore ajouté ce candidat modéré.
À la demande des autorités sanitaires, les deux septuagénaires ont dû renoncer à tenir des meetings à Cleveland dans la soirée, en raison du nouveau coronavirus.
« Bernie » a perdu la « magie » de 2016
Bernie Sanders, quant à lui, a choisi de se taire à l’issue de cette soirée électorale. Il ne s’exprimera pas avant ce mercredi, selon les médias. Son silence est éloquent. « Bernie » avait inlassablement parcouru le Michigan pendant les quatre derniers jours. Il avait tout misé sur cet État pour relancer sa candidature. Mais la « magie » de 2016 n’était plus au rendez-vous.
Comment expliquer cette défaite dans le Michigan ? La clé de la victoire de Joe Biden se trouve dans les banlieues dont les habitants ont majoritairement voté pour l’ancien vice-président. Il fait aussi un très bon score dans certaines circonscriptions où Donald Trump s’était imposé en 2016. C’est le cas notamment des zones résidentielles autour de Détroit, là où habitent les fameux « blue collars », les ouvriers blancs très convoités par les démocrates et les républicains.
Il y a quatre ans, ces ouvriers ont aidé Bernie Sanders à remporter le Michigan face à Hillary Clinton lors de la primaire démocrate. Cette victoire avait à l’époque accéléré la campagne du sénateur progressiste. Aujourd’hui, c’est l’inverse : la défaite de Bernie Sanders dans le Michigan pourrait mettre un terme à sa candidature.
Il reste toutefois ce grand paradoxe : le chef de file de l’aile gauche du parti démocrate attire les foules et remplit les salles, mais il n’arrive pas à transformer cet enthousiasme en bulletins de vote. D’après un commentateur américain, la révolution a peut-être changé de côté. C’est l’establishment, la classe moyenne, qui se lève et se mobilise en faveur du candidat considéré comme le mieux placé pour battre Donald Trump.
« Triste mais pas surpris »
Chez les sympathisants de Bernie Sanders, c’est la déception. Ils voulaient y croire, mais ils ne s’avouent pas encore vaincus, comme a pu le constater à Detroit notre envoyé spécial, Achim Lippold.
Dans un bar du centre-ville, des militants de Bernie Sanders suivent l’annonce des résultats. Lors que Sherryl Hermann apprend que Joe Biden remporte le Michigan, elle ne peut pas cacher sa déception. « Je suis triste mais pas surprise. J’espère qu’il continuera jusqu’à la convention. Mais Bernie Sanders est une personne très diplomatique. Je ne serai pas surprise s’il abandonne la course. J’essaie de ne pas pleurer ce soir. »
D’autres partisans se montrent plus combatifs. Adam, la trentaine, suit Bernie Sanders depuis des semaines. Originaire du Montana, il parcourt les États-Unis pour faire campagne en faveur de son candidat. Et il ne compte pas s’arrêter. « En tant que socialiste américain, je sais que je dois me battre. Cela fait plus de 100 ans qu’on perd des élections, j’y suis habitué. Je quitterai le Michigan demain et irai en Pennsylvanie pour continuer à faire campagne pour Bernie Sanders. »
« Limiter les dégâts »
Marcus, lui, a déjà intégré la défaite de son champion. Très déçu des résultats dans le Michigan, il s’apprête à soutenir désormais Joe Biden comme candidat contre le président Donald Trump, même si c’est à contre-cœur. « Bien sûr, je voterai pour lui. Mais j’ai peur que d’autres ne le fassent pas. J’ai voté pour Bernie Sanders avec tout mon cœur. Si je devais soutenir Joe Biden, ce serait juste pour limiter les dégâts. »
Les jeunes militants réunis dans le bar sont tous convaincus : même si Bernie Sanders quitte la primaire, leur mouvement continuera. Avec l’objectif de transformer le parti démocrate en un parti plus progressiste.
La semaine prochaine, d’autres primaires auront lieu dans quatre États où les sondages donnent Joe Biden vainqueur sans difficulté. Une investiture du sénateur du Vermont semble désormais hautement improbable, mais Bernie Sanders devrait maintenir sa candidature jusqu’au débat qui doit l’opposer à son concurrent le 15 mars prochain. À défaut de l’emporter, il lui reste la possibilité d’imposer quelques-unes de ses idées dans le programme du parti démocrate. Rfi