ActualitéECHOS D’AFRIQUEEDITOPolitiqueSociété/Environnement

EDITO – GOUVERNANCE DIOMAYE – LE PIEGE DU SILENCE!

Par Bacary Domingo MANE

La politique est à la fois action et parole[1]. Croire alors que la gestion du pouvoir peut et doit se passer de la communication parce qu’elle est à la recherche de l’efficacité, déclinée en termes de réalisations et de réponses aux sollicitations des populations, c’est lâcher la proie pour l’ombre. Le sentiment diffus mais profond qui nous habite est que la gouvernance Diomaye semble vouloir séparer le temps de l’action de celui du logos. Si c’est le cas, autant le dire à haute et intelligible voix, que ce n’est pas la meilleure option. Nous sommes convaincus que la parole est au-dessus de l’action parce qu’elle a le pouvoir de l’expliquer, d’en exhiber les fondements, voire de la créer, au sens performatif[2] du terme. Qu’elle précède l’action ou vient après celle-là, la parole est un outil essentiel de la communication politique.

Le président de la République, Diomaye Diakhar Faye a, certes,  posé des actes : nomination d’un Premier ministre, formation d’un gouvernement, publication de rapports des corps de contrôle, choix de nouveaux Directeurs généraux, suspension de travaux le long du littoral etc. Pour la plupart de ces actions, le gouvernement semble se contenter de la publication dans les médias et les plateformes numériques gouvernementales de décrets, de communiqués ou de décisions. Les petites polémiques alimentées par les néo-opposants et leurs journalistes corrompus au service exclusif du défunt régime, prouvent, à suffisance, la nécessité d’une vraie communication privilégiant la pédagogie.

Expliquer aux populations le sens des actes posés, des décisions prises, est une nécessité, voire un devoir vis-à-vis de ceux qui ont plébiscité ou non le candidat Diomaye. La communication politique est avant tout transmission d’informations[3] pour permettre aux gouvernés de mieux apprécier les actions des gouvernants. Cette parole explicative va alors créer les conditions de l’attachement des populations à la gouvernance Diomaye, en les transformant purement et simplement en défenseurs des politiques publiques.

Laisser l’espace médiatique aux journalistes et autres activistes corrompus, armés de leur mauvaise foi – avec un langage corporel qui en dit long sur la peur du lendemain – c’est prendre des risques qui vont faire perdre au change sur le marché de la bataille de l’opinion.

La quête de l’adhésion et du soutien des populations aux politiques publiques est une lutte permanente. Elle est traduite par des stratégies de communication politique visant à influencer et contrôler les perceptions que les populations auront de ces évènements et des enjeux.

Se taire sous prétexte que le gouvernement est en train de travailler, c’est ne rien y comprendre aux exigences de transparence pour des citoyens de plus en plus conscients de leur pouvoir dans des régimes démocratiques où l’alternance est devenue la règle au bout d’un cycle qui dure maximum dix ans.

La bonne nouvelle est qu’au moment où nous étions en train de travailler sur cet édito, nous avons appris que le Président Faye a effectué une visite inopinée sur les lieux d’un carnage foncier, plus précisément à Mbour 4 (Thiès). Il en a profité pour dérouler une  «communication situationnelle[4]» sur les raisons de la mesure de suspension des travaux de construction dans certaines zones litigieuses allant de Dakar (corniche) à Saint-Louis, en passant la région de Thiès. Au-delà de l’image de «l’homme d’action» que sa présence sur ces lieux véhicule, cela va donner plus de crédibilité à son combat pour une justice sociale. .

Des journalistes, chroniqueurs et activistes, adeptes de l’argent facile (tog mou dox*) sont en train de dire des contre-vérités sur un supposé rétropédalage du Président Diomaye au sujet des appels à candidature pour des postes de direction. De deux choses l’une, soit ils n’ont pas lu le programme de Diakhar Faye dénommé «Le projet d’un Sénégal souverain, juste et prospère», où il est écrit noir sur blanc : «Nous consacrerons l’appel à candidature pour certains emplois de la haute fonction publique et du secteur parapublic et normaliserons les recrutements civils et militaires par le recours exclusif au concours qui garantit l’égalité des chances à tous les citoyens», soit ils sont de mauvaise foi en fermant les yeux sur la nuance déclinée en ces termes : «pour certains emplois… ».

Une bonne communication gouvernementale aurait pu relever cela et mettre l’accent sur le contexte de publication des rapports de certains corps de contrôle, montrant l’urgence de remplacer les directeurs qui ont fini de mettre à genoux des sociétés nationales. En plus, il faut indiquer que «l’appel à candidature» ne remet pas en cause les prérogatives du Président de nommer aux emplois civils et militaires, puisque c’est lui qui, en dernier ressort, choisira l’élu après la sélection opérée par la commission chargée d’examiner les Cv des candidats.

Loin de nous l’idée de suggérer une communication à tout va, qui se serait servie d’une logorrhée insipide où le message sera dilué, comme savaient le faire les chroniqueurs des ténèbres. La mauvaise posture communicationnelle est d’être dans la réaction, sans tenir compte du temps de la communication.

La gouvernance Diomaye gagnerait à privilégier la communication proactive, en anticipant les attentes. Tout ce qui prêterait à confusion ou serait source de polémique inutile doit faire l’objet d’anticipation, en prenant le temps d’en démêler les ficelles qui risquent de servir de toiles aux araignées de la mauvaise foi.

Les nouveaux tenants du pouvoir doivent aussi veiller à faire le départ entre la communication du parti Pastef, de la coalition Diomaye Président et celle du gouvernement. Le mélange des genres va inéluctablement brouiller l’image du Président Faye.

Bacary Domingo MANE


[1] Arendt, Hannah (1983), La condition de l’homme moderne, Paris, Calman-Levy

[2] Austin, John Langshaw, Quand dire, c’est faire, Seuil Paris, 1991

[3] Cotteret, J. M., Gouverner, c’est paraître, Paris, PUF, 2002.

[4] Je parle de communication situationnelle au sens où la parole (message) est mise en scène à travers un pseudo événement (c’est-à-dire, créé de toutes pièces) qui en est le prétexte. La communication situationnelle génère l’image de l’homme d’action qui donne aux mots leur pouvoir performatif.

* Partisans du moindre effort

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *