Capitaine Traoré, un gamin à la tête d’un Etat !
Par Ibrahima SOW, professeur de philosophie
Le cancer qui ronge l’Afrique depuis des siècles, et qui la maintient dans cette pauvreté presque endémique, ne sera jamais vaincu tant que des militaires indisciplinés et farceurs comme le capitaine Traoré, vont continuer à essaimer dans les casernes de certains Etats africains. Quelle malédiction peut bien s’abattre sur le Burkina, pays d’hommes de valeurs et de refus, pour qu’un jeune garçon accède aussi facilement à la fonction suprême? Les épidémies de coups d’Etat qui ont rythmé l’histoire politique de ce pays, depuis son indépendance jusqu’à nos jours, sont révélatrices de l’incapacité du Burkina à être un Etat. Avoir un territoire et être une nation (pour peu que le Burkina soit une nation) ne sont pas des conditions suffisantes pour bâtir un Etat. Et plus de soixante après son indépendance, ce pays continue encore d’être un agrégat d’individus dont on peut même douter de la volonté de vivre ensemble.
Le discours insolent au relent populiste et démagogique du capitaine Traoré, devant ses homologues africains, lors du sommet Russie-Afrique, n’était qu’une tentative maladroite de s’attirer l’estime de la jeunesse africaine, mais surtout d’éveiller le souvenir glorieux de Sankara dans l’esprit des burkinabés. Sankara est présenté encore aujourd’hui comme un grand homme par son peuple, mais il n’a jamais réussi à apporter les changements dont le burkina avait besoin à cette époque. Tout ce qu’on pourrait retenir de lui, ce sont ses discours pompeux et son combat contre l’impérialisme, qui ont fini par le perdre malheureusement. Thomas Sankara ignorait tout du fonctionnement de l’Etat et de ses institutions, il ne se préoccupait pas non plus des règles les plus élémentaires de la diplomatie, parce qu’il se sentait dopé par sa popularité subite et la sympathie que son peuple lui témoignait. Il est allé loin en s’attaquant vertement à ses homologues africains et occidentaux lors de sommets. La suite on la connait. Et plus de trente ans après son assassinat, le Burkina s’enlise plus que jamais dans une impasse politique comme un éternel retour à la case départ, avec une situation économique complètement fragilisée par ces épidémies de crises politiques et un pays à jamais divisé.
Lors de son malheureux discours à St Petersburg, le capitaine Traoré déclare que les chefs d’Etats africains ne devraient pas venir en Russie « quémander » du blé, ou solliciter une aide alimentaire quelconque auprès des puissances étrangères. L’Afrique doit atteindre l’autosuffisance alimentaire et ne plus dépendre de l’aide extérieure. Ce qui est absolument vrai ! Mais ce qui est contradictoire dans son propos est que son propre pays est incapable de faire face aux terroristes qui ont presque mis en déroute sa propre armée. Le Burkina ne doit son salut qu’aux soldats du groupe Wagner pour contenir la menace djihadiste. A quoi sert d’atteindre l’autosuffisance alimentaire dans un pays ou la sécurité intérieure et l’intégrité physique du territoire sont menacées ? Peut-on prendre illégalement le pouvoir et prétendre donner des leçons de bonnes gouvernances à des chefs d’Etats démocratiquement élus ?
Certains Etats africains ont longtemps été victimes de farceurs comme ce capitaine Traoré : la république de Guinée avec Lansana Conté et aujourd’hui avec Doumbouya, le Mali avec Moussa Traoré et aujourd’hui avec Goita, le Burkina avec Compaoré et aujourd’hui avec Ibrahima Traoré, je passe sous silence le Niger, la Mauritanie, le Tchad… qui sont vraiment la honte de notre continent. Le Burkina est pris en otage par sa propre armée qui ne se distingue que par sa capacité à perpétrer des coups d’Etats, mais qui fait preuve d’une grande lâcheté lorsqu’il s’agit de combattre contre les djihadistes. Il est facile de se vautrer dans les fauteuils douillets d’un palais et de parler comme le fait le capitaine Traoré, mais le propre d’un militaire c’est d’aller au front et de combattre.
Les maliens ont perdu le contrôle d’une partie de leur territoire ou ils n’osent plus s’aventurer. Jusqu’à présent, les seuls vrais succès contre les terroristes, sont à mettre à l’actif de gouvernement dirigé par des civils démocratiquement élus qui sont d’ailleurs les seuls à avoir un contrôle total sur leur territoire.
Ibrahima SOW, professeur de philosophie au lycée de Tivaouane Peulh.