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*POUR UNE IDEE DE LIBERTÉ*

Par Hamidou Diop, Professeur de philosophie

Ce qu’il faut comprendre, avant de soulever, le problème que pose l’idée de liberté,  est que, pour une créature, une liberté absolue est inconcevable. Je pars juste de cette acception de la liberté :  » pouvoir de décision et d’action  » Je pense que Spinoza et Niezsche ont déjà statué sur la question et, me semble-t-il,  il est difficile de leur donner tort:  » Nous sommes mus par des mains invisibles.  » ( Nietsche).

Ceci étant,  je suppose l’homme libre. Mais, jusqu’où va sa liberté? Est-il vraiment maître de toutes ses pensées, de tous ses choix, de toutes ses décisions, de tout ce qu’il entreprend ou n’entreprend pas?

La conception erronée de le liberté est celle-là même qui pense  qu' »être libre, c’est faire ce que l’on veut ». Être libre, c’est faire ce que l’on veut si et seulement si ce que l’on veut repose soit sur la raison, soit sur la loi. Si nous partons du dualisme cartésien, nous pourrions statuer sur la liberté du corps et sur celle de l’esprit. De toute façon, le corps n’est jamais libre, car il est embarqué dans les lacets de la nécessité. A cet effet, parlons de la liberté de l’âme ou de l’esprit.

Parmi les multiples définitions de la liberté, nous notons ceci: » être libre, cest se conformer à sa nature ». Une voiture dont la nature est de rouler est libre tant qu’elle roule et jusqu’à ce qu’elle heurte sur un obstacle qui lui confisque le mouvement et, partant  la liberté de rouler.

Voilà ce qui m’amène à la question de la liberté de l’âme.

L’âme est libre, mais sa liberté figure sa condition d’être âme qui la définit et lui confère son statut d’âme. Ce qui fait que l’âme est âme,  comme lumière,  comme principe animant le corps, c’est son origine et sa nature divines. Pour une âme,  se conformer au divin,  c’est actualiser son essence d’âme  et se réaliser pleinement. Voilà ce qui définit et fait sa liberté. Ainsi, une âme qui ne se plie pas à la volonté du Divin devie de sa trajectoire originelle, donc naturelle. Une telle âme rappelle cette voiture qui, en mouvement, bute sur un obstacle qui, lui confisquant le mouvement,  brise sa liberté d’être mobile,donc elle-même.

Entre deux âmes : celle qui prie et celle qui ne prie pas, c’est celle-là même qui ne prie qui est l’âme non libre. Pourquoi? Parce que justement prier participe de la nature, de la condition de l’âme. Cette âme qui ne prie pas est victime des caprices et passions du corps dont la vertu se trouve ailleurs.

Celui qui mange sans savoir pourquoi il mange, il ne mange pas par liberté. Il mange par appétit ou instinct. Celui qui mange et qui sait  pourquoi il mange, alors il mange par connaissance. Et, dans l’ordre de la nécessité et du déterminisme,  c’est la connaissance qui garantit la liberté. Voilà pourquoi le mot « liberté » ne signifie rien pour quiconque est ignorant.

En envoyant des prophètes  ( vus comme des professeurs) et en faisant descendre  des livres, Dieu est une promesse de liberté pour toute âme sage ou connaissante. En aspirant à la connaissance de Dieu comme dans la théologie ou la métaphysique, nous ne faisons qu’experimenter cette liberté. Et là,  nous comprenons que la liberté consiste à suivre l’ordre divin.

Reconnaître Dieu,  accepter sa grandeur,  sa gloire, sa grâce, son unicité,  se soumettre à sa seule volonté, voilà la plus belle expérience de la liberté. L’âme qui suit l’ordre divin se reconcilie avec elle-même en tirant de cette conduite cette connexion qui lui garantit son essence. Se soumettre à Dieu, cela paraît contradictoire, absurde, mais c’est la véritable liberté pour une âme.

La nature de l’âme n’est pas d’être maîtresse d’elle même, mais de se réaliser en actualisant la part divine qui qui lui confère son essence même. L’âme ne s’est pas dotée à elle-même son existence ni sa nature et elle accède à sa vraie nature, non en s’affirmant déconnectée du divin, mais en se conformant  à la volonté par laquelle elle est devenue ce qu’elle est. Une âme pure, légère,  tel un papillon ou un oiseau, est une âme qui se décroche de la matérialité du monde, qui se dépouille de cette enveloppe charnelle qui la contient et qui s’élève vers l’Absolu. Cette expérience rappelle la pensée et la prière par lesquelles l’âme vit sa pleine liberté. Prier ou penser, c’est s’arracher du corporel, c’est s’affranchir: c’est dans ces expériences là que l’âme se dépouille de tout ce qui peut l’alourdir. Dans ce cas, la liberté  n’est pas le fait d’être maître de soi, ni de sauto-détermier; c’est le fait de coïncider avec sa vraie nature, de se conformer à sa condition. L’âme, en tant que parcelle de lumière émanant de Dieu, est libre dans l’acte par lequel elle retourne  à sa « source originelle ». Si nous pouvions entendre la voix des âmes,  nous aurions entendu qu’elle ne revendiqueraient  jamais le titre d’être « maîtresses d’elles-mêmes », car toute âme libre sait que sa liberté est une « faveur divine ».

Hamidou Diop, Professeur de philosophie

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