Tchad: l’opposant Yaya Dillo exfiltré…
Le domicile de cet opposant tchadien, candidat à la présidentielle du 11 avril prochain, a été ce dimanche 28 février le théâtre de violents affrontements qui ont fait de deux à cinq morts, dont sa mère, selon les sources, ainsi que plusieurs blessés. Les autorités parlent d’un groupe qui s’est opposé les armes à la main à son arrestation. Yaya Dillo dénonce, lui, une tentative d’assassinat pour des mobiles politiques. Après trois jours de siège du domicile de l’opposant, celui-ci aurait réussi à échapper à ceux qui le recherchent, selon sa famille proche. Une information que révèle RFI.
Yaya Dillo a été exfiltré de sa concession par des proches qui l’ont mis en lieu sûr, nous a assuré un de ses frères, Ousmane Dillo. Une information corroborée par d’autres sources. Cela s’est passé ce dimanche soir, vers 18 heures, heure locale. Ses amis auraient profité de la confusion qui a régné dans le quartier lorsque des civils ont caillassé un véhicule miliaire. Les gendarmes sont alors intervenus à coups de bombes lacrymogènes. C’est à ce moment-là que l’opposant a été l’exfiltré, selon nos sources, qui se posent de nombreuses questions.
Tout le quartier où vit le candidat à la présidentielle tchadienne est quadrillé depuis trois jours par un impressionnant dispositif militaire : des dizaines de camionnettes, des véhicules blindés, des policiers, mais surtout des hommes de la DGSSIE, une sorte de garde présidentielle d’Idriss Déby. Il est toujours quasi impossible de communiquer avec la capitale tchadienne : internet est toujours coupé et le réseau téléphonique extrêmement perturbé, pour des raisons de sécurité.
Des explications attendues dans la journée
Comment sont-ils passés entre les mailles du filet ? Mystère. Mais certains pointent la volonté du pouvoir de ne pas envenimer la situation après la mort de la mère et d’un neveu de l’opposant. Il faut rappeler que Yaya Dillo est un proche parent du président Idriss Déby. Ces dissensions et les violences d’hier auraient suscité de véritables tensions au sein de leur tribu, les Zaghawas, et de l’armée. Une information démentie dès hier par le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, Chérif Mahamat Zène.
Pour le moment, aucun responsable gouvernemental tchadien ne répond au téléphone et n’a pu confirmer l’exfiltration de l’opposant. Un des rares administratifs que nous avons pu joindre dit ne pas être au courant, rappelant que l’armée agit avec prudence, car il y aurait de nombreux proches de Yaya Dillo armés jusqu’aux dents, retranchés dans son domicile.
Le gouvernement tchadien a promis de s’exprimer dès cet après-midi. Le procureur de Ndjamena doit donner une conférence de presse. Le ministre des Affaires étrangères fera dans la foulée une communication au corps diplomatique.
Le camp d’Idriss Déby se divise
Ancien chef rebelle rentré à Ndjamena pour devenir membre du gouvernement puis ambassadeur à la Cémac, Yaya Dillo avait rompu avec le régime et décidé de se présenter à la présidentielle du 11 avril. Il est sous le coup de deux mandats d’arrêt, après avoir été visé par une plainte pour diffamation et injures à l’encontre de la Première dame Hinda Déby Itno. En mai dernier, il avait notamment critiqué une convention signée entre la fondation de l’épouse du chef de l’État et le gouvernement dans le cadre de la lutte contre le coronavirus, dénonçant des malversations et avait déjà résisté à une précédente tentative d’arrestation. Mais pourquoi le régime a-t-il voulu l’arrêter aujourd’hui et comment expliquer la violence de cette tentative d’arrestation ? Joint par RFI, Jérôme Tubiana, chercheur indépendant, spécialiste du Tchad, nous donne des précisions.
On voit que, pour un régime comme le régime tchadien, il est inacceptable que la communauté zaghawa se divise et que des défections ou des divergences s’affichent publiquement. C’est un danger beaucoup plus grand pour le régime, visiblement, que des oppositions plus habituelles et traditionnelles venant d’autres parties du pays. RFI