Mali: la Cédéao insiste sur le retour des civils au pouvoir pour la transition
Les chefs d’Etats de la communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) se sont réunis ce vendredi 28 août en visioconférence pour discuter de la situation au Mali. Ils ne valident pas la feuille de route de la junte qui envisage une transition de trois ans, et un militaire pour la diriger. Les sanctions ne sont donc pas levées pour le moment.
La question de la transition était au centre des discussions de la visioconférence des chefs d’État la Cédéao (Communauté des Êtats d’Afrique de l’Ouest) de ce 28 août. Bon point pour la junte après la libération du président renversé : la Cédéao prend acte de la démission d’Ibrahim Boubacar Keïta (IBK). Mais sur la transition, les chefs d’État de la Cédéao demandent aux militaires de revoir leur copie.
Les militaires, qui ont pris le pouvoir à Bamako, demandent en effet deux à trois ans pour la transition afin de terminer le quinquennat du président renversé. La junte malienne veut diriger cette transition avec un gouvernement composé de civils et de militaires.
Or, explique à RFI Jean-Claude Kassi Brou, président de la Commission de la Cédéao : « Il y a une règle au sein de l’institution qui insiste : la transition en cas de coup d’État ne doit pas dépasser douze mois ». Il poursuit : « Une autre règle exige que le président de la transition soit un civil, tout comme le Premier ministre, mais ne soit pas candidat à la présidentielle ».
Sanctions maintenues
Le ton est ferme. En attendant, les sanctions sont maintenues. Jusqu’à nouvel ordre, les frontières de la Cédéao avec le Mali restent fermées et les transactions économiques et financières sont toujours bloquées. Mais appliquer les textes, insiste l’institution sous-régionale, ne signifie pas asphyxier le Mali.
Ces sanctions pourront être levées « progressivement » indique le communiqué final, à condition que les putschistes démontrent leur bonne volonté et s’applique à quitter le pouvoir afin de mettre en place une transition civile. La junte sera jugée sur ses actes et il y aura une évaluation de la situation d’ici le 7 septembre, date du prochain sommet des chefs d’État de la Cédéao à Niamey, au Niger.
La junte donnera sa position samedi
Les militaires n’ont pas donc obtenu gain de cause. Ils souhaitaient pourtant la levée des mesures de la Cédéao et avaient renouvelé leur demande à plusieurs reprises. A la position très ferme de l’institution, le Comité pour le salut du peuple a eu pour seul commentaire vendredi soir : « On est en train d’analyser. » La junte rendra sa position publique ce samedi. Une nuit entière n’est pas de trop pour fixer un cap après avoir pris connaissance des exigences de la Cédéao.
Le CNSP convie ce matin toutes les forces vives maliennes pour, justement, « échanger sur la mise en place de la transition. » Organisations de la société civile, partis politiques de l’opposition comme de la majorité du président renversé Ibrahim Boubacar Keita, mais aussi « partis politiques du centre » et « non alignés ». Les mouvements signataires de l’accord de paix conclu en 2015 entre le gouvernement malien et les groupes armés du nord du Mali sont également conviés.
Les conséquences des sanctions
À court terme, ces sanctions pourraient empêcher le paiement des fonctionnaires qui est déjà en retard, précise l’économiste Étienne Fakaba Sissoko. À long terme, elles pourraient entrainer une récession de l’économie malienne, déjà en difficulté à cause de la crise du coronavirus. Avant le coup d’État, les prévisions de croissance étaient passées d’environ 5% à moins de 1%.
Beaucoup s’inquiètent donc de l’impact de ces sanctions sur les Maliens. Mais Jean-Claude Kassi Brou assure que « les chefs d’Etat ont pris des mesures pour alléger l’impact de ces sanctions sur les populations ». Les denrées de première nécessité, les médicaments et les équipements nécessaires à la lutte contre la pandémie, les produits pétroliers et l’électricité ont été exclus de ce champ de ces sanctions, explique le président de la Commission de la Cédéao. Cela afin d’« éviter de mettre une pression trop fort sur la population ».
L’imam Mahmoud Dicko, figure centrale de la crise, a mis en garde sans ménagement le jour même les militaires, les pressant de tenir la promesse du changement. « J’ai demandé à tout le monde de se réunir autour du Mali. Je le demande toujours mais cela ne veut pas dire que les militaires ont reçu un chèque en blanc », a-t-il déclaré devant des centaines de personnes.rfi